Racisme et Histoire: Le Tabou

La société Francaise souffre d'amnésie. Elle se refuse à reconnaitre les périodes peu glorieuses de son histoire durant lesquelles l'esclavagisme et le colonialisme ont été justifiés par un racisme institutionnel. Ces périodes sont révolues, mais mal assumées, formant ainsi un bon terreau pour permettre au racisme institué à l'époque de survivre sous d'autres formes.

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Marié a une femme noire depuis bientot 20 ans, père d'enfants metis, je suis de plus en plus inquiet face aux non-dits de notre société occidentale. Admettre et reconnaitre notre histoire dans ses composantes les moins glorieuses serait enfin admettre qu'etre Francais, ce n'est plus seulement etre un descendant des gaulois. Nous pourrions rendre leur dignité a celles et ceux qui se sentent exclus.

Le coin des compteurs
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21 décembre 2005

Pouce! Et bonnes fêtes!

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Mercredi 21 décembre 2005

Nous approchons des fêtes de fin d'année. J'ai décidé de faire une pause et de reprendre ce blog l'année prochaine. Je vais consacrer mon temps libre ces deux semaines à ma famille.
Je tiens cependant à préciser que je suis loin d'être uniquement focalisé sur ce sujet. Ma vie est heureusement plus diverse ainsi que mes centres d'intérêt.
J'ai néanmoins la chance de savoir faire la part des choses et de ne pas m'écarter d'un sujet lorsque je l'ai décidé. C'est certainement pourquoi ce blog peut donner de moi l'image de quelqu'un aux idées fixes, ce qui n'est pas mon cas heureusement.

Je souhaite de joyeuses fêtes à tous ceux qui visiterons cet espace durant cette période. N'hésitez pas à laisser vos messages, ils contribueront à alimenter le redémmarrage de debut d'année.

Je veux aussi dire à ma femme combien je l'aime, à mes filles combien elles me sont essentielles. Toutes sont ma raison de vivre.

Amicalement

Titophe


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16 décembre 2005

16 - Quand les Nations Unies s'en mêlent

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Vendredi 16 décembre 2005

J'invite le lecteur à prendre connaissance du texte ci dessous, adopté en aout 2002 et dont la version originale est disponible ICI. Je l'invite aussi à s'interroger sur les raisons de ce texte.
Je ne saurais trop insister sur le point numéro 3 car je le trouve quelque peu chargé d'actualité...








La reconnaissance de la responsabilité et les réparations pour les violations flagrantes et massives des droits de l'homme en tant que crimes contre l'humanité qui se sont produites durant la période de l'esclavage, du colonialisme et des guerres de conquête


Résolution de la Sous-Commission des droits de l'homme 2002/5



La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme,

Se référant à sa décision 2000/114, et attirant l'attention de la communauté internationale sur les cas de violations massives et flagrantes des droits de l'homme qui doivent être considérées comme des crimes contre l'humanité et qui à ce jour ont bénéficié de l'impunité, en dépit des tragiques souffrances que l'esclavage, le colonialisme et les guerres de conquête ont infligées à de nombreux peuples dans le monde,

Rappelant sa résolution 2001/1, du 6 août 2001,

Considérant qu'on ne saurait prétendre combattre le racisme et la discrimination raciale, lutter contre l'impunité et dénoncer les violations de droits de l'homme qui persistent dans le monde sans tenir compte des profondes blessures du passé,

Estimant que, dans le cadre de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, il était nécessaire que la communauté internationale se penche sur les causes et les conséquences de ces maux, historiquement engendrés, dans une large mesure, par l'esclavage, le colonialisme et les guerres de conquête,

Estimant aussi que la responsabilité historique des puissances en cause vis-à-vis des peuples qu'elles ont colonisés ou réduits à l'esclavage doit faire l'objet d'une reconnaissance formelle et solennelle et de réparations,

Rappelant que cette responsabilité est d'autant plus fondée que les périodes d'esclavage et de colonialisme ont généré dans les pays concernés un état de délabrement économique et des séquelles graves dans le tissu social et d'autres drames qui continuent à ce jour à affecter des peuples entiers partout dans le monde,

Estimant que la reconnaissance formelle et solennelle de cette responsabilité historique à l'égard des peuples concernés doit inclure un aspect concret et matériel tel que le recouvrement de la dignité des peuples affectés, la coopération active au développement non limitée aux mesures actuelles d'aide au développement, l'annulation de la dette, l'application de la «taxe Tobin», le transfert de technologies au bénéfice des peuples concernés, et la restitution progressive des biens culturels assortie des moyens permettant d'assurer leur protection effective,

Considérant qu'il est essentiel que la mise en œuvre des réparations bénéficie effectivement aux peuples, notamment à leurs groupes les plus défavorisés, en prêtant une attention particulière à la réalisation de leurs droits économiques, sociaux et culturels,

Convaincue que cette reconnaissance et cette réparation constitueront l'amorce d'un processus qui favorisera l'instauration d'un dialogue indispensable entre les peuples que l'histoire a opposés pour la réalisation d'un monde de compréhension, de tolérance et de paix,

1. Prend note de la Déclaration et du Programme d'action adoptés à Durban en septembre 2001 lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée;

2. Prend note également de la décision 2002/109 du 25 avril 2002 de la Commission des droits de l'homme dans laquelle la Commission a invité la Sous-Commission à examiner attentivement la Déclaration et le Programme d'action de Durban et à contribuer à titre complémentaire à la réalisation des objectifs de la Conférence mondiale;

3. Demande à tous les pays concernés de reconnaître leur responsabilité historique et les conséquences qui en découlent afin de prendre des initiatives permettant, notamment par le biais d'un débat fondé sur des informations exactes, la prise de conscience dans l'opinion publique des conséquences néfastes des périodes d'esclavage, du colonialisme et des guerres de conquête, ainsi que de la nécessité de réparations équitables;

4. Recommande que la reconnaissance publique de la traite et de l'esclavage comme crimes contre l'humanité soit marquée par la fixation d'une date commune pour commémorer chaque année, au sein des Nations Unies comme dans chaque État, l'abolition de la traite et de l'esclavage;

5. Souligne combien il est important, pour les programmes scolaires, les formations et recherches universitaires, ainsi que les médias, de donner toute leur place à la reconnaissance des violations flagrantes et massives des droits de l'homme qui se sont produites durant la période de l'esclavage, du colonialisme et des guerres de conquête, et de développer l'enseignement des droits de l'homme;

6. Recommande que des initiatives internationales, nationales ou locales soient prises, notamment sur le plan historique et culturel, par le biais de musées, d'expositions, d'activités culturelles et de jumelages, pour contribuer à cette prise de conscience collective;

7. Estime que les crimes contre l'humanité et autres violations flagrantes et massives des droits de l'homme qui sont imprescriptibles devraient être poursuivis devant les juridictions compétentes;

8. Prie le Haut-Commissariat des Nations Unies de lancer, de manière concertée, une réflexion sur les procédures appropriées permettant de garantir la mise en œuvre de la présente résolution, tout particulièrement en ce qui concerne la reconnaissance et les réparations;

9. Décide de rester saisie de cette question à sa cinquante-cinquième session.



18e séance
12 août 2002
[Adoptée sans vote. Voir chap. IV.]


Une derniere question: Avons-nous entendu parler de ce texte dans les media dernièrement? Cette ommission (ou pas, je ne peux être à l'écoute des media en permanence. Si ce n'est le cas, comme le mentionnait Coluche, "ils ne l'ont pas dit fort") s'expliquerait-elle par le maintient d'un certain tabou?

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14 décembre 2005

15 - L'armure

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Mercredi 14 décembre 2005

Nos acquis forment une armure qui nous protège. Nous aimons sentir sa présence, pleine de certitudes qui nous rassurent. Elle contient les outils indispensables à notre survie. Elle nous aide aussi à tracer notre voie, elle offre une sorte de vision qui indique la bonne direction, qui nous guide vers notre destinée.

Cette armure, outre ses avantages évidents pour chaque individu, fournit aussi des réponses toutes prêtes. C’est pourquoi grandir et vivre au 21eme siècle ne requière pas d’avoir à tout réinventer, ne demande pas de refaire le cheminement de l’homme depuis ses origines. Grandir au 21eme siècle nécessite cette armure. Elle a quand même un inconvénient de taille : elle nous amène a nous poser le moins possible de questions. C’est pourquoi il me semble important d’avoir conscience de son existence, de sa nécessité, pour comprendre l’extrême difficulté de remettre en cause certains préjugés.

D’où nous vient-elle? Elle s’enracine en nous par héritage. Nous héritons en effet du squelette de l’armure de nos parents. La vie, souvent subie, parfois choisie, se charge de la garniture. En d’autres termes, nous naissons nus et nous bâtissons cette armure tout au long de notre vie.
Que contient-elle? Notre religion, nos opinions politiques, nos goûts, nos souvenirs, nos fiertés, nos références, nos coutumes, nos traditions, sont quelques-unes des valeurs clef de cette armure. Elle nous aide à faire la part entre le bien et le mal, à prendre des décisions, bref, a avancer. Nos préjugés sont bien entendu confortablement installés dans cette armure. Ils soudent plus souvent que l’on ne le croit certaines composantes.


Ainsi, accepter de revenir sur certains préjugés peut-il être très douloureux. Voir cette armure s’écrouler signifie une perte de repères difficilement gérable. Pourtant, malgré ce constat, l’armure n’est qu’un rempart qui renferme et protège des trésors de générosité, d’intelligence, de sensibilité, de complexité et de diversité : NOUS. Nous les êtres humains, les bienheureux fruits du hasard le plus fou, poussières d’étoiles encore tellement immatures. Dans l’immensité du temps et de l’univers, nous trouvons tout de même opportun de classifier les poussières que nous sommes, de les différencier. Par quoi exactement? Ne serait-ce par l’armure qui encapsule chacun de nous?

Redescendons sur terre, revenons au 21eme siècle avec nos petits soucis quotidiens, et essayons de nous poser quelques questions sur notre coexistence quotidienne. Le monde devient de plus en plus petit, nous avons déjà considérablement raccourci les distances géographiques qui nous séparent les uns de autres. Pourtant, à mesure que se rapprochent les hommes, un fossé immatériel se creuse entre eux, semblant compenser la nouvelle proximité physique. Ce fossé, c’est ce que j’appellerai le «choc des armures». Le monde que nous avons créé s’emballe, semble échapper à notre contrôle car notre armure, faite pour nous protéger contre les agressions du monde ne peut rien contre nous-même. Nous appelons cela «mondialisation», «globalisation», la liste n’est pas exhaustive.

Dans ce contexte, les hommes se déplacent et avec eux leur fameuse armure. Alors pour nommer ce nouveau choc, nous utilisons de nouveaux mots : mondialisation, immigration, intégration, ghettoïsation, racisme, choc Nord-Sud, …
Mais les mots sont-ils des solutions? Ils ont le mérite de permettre le débat, l’échange et la circulation des idées. Mais peuvent-ils pour autant permettre aux hommes de s’adapter à cette nouvelle société en mutation? Peut-on ouvrir une brèche dans nos armures qui puisse permettre aux hommes que nous sommes de se découvrir vraiment? Et puis, est-il possible de percer nos armures? Je pense que oui. Ce n’est peut être pas par le dialogue verbal, à moins qu’il ne puisse créer de l’émotion. J’ai en effet remarqué que l’émotion ne connaît souvent pas d’obstacle. Qu’il s’agisse de l’amour, de la compassion ou du rire, ces ressentis parviennent au plus profond de nous-même. Ils atteignent notre cœur que je considère comme l’élément le plus abouti de notre intelligence. Et du cœur, nous en avons TOUS, quelle que soit notre couleur de peau, notre religion, nos coutumes, bref, quelle que soit l’armure qui le protège.

Alors, a quoi bon s’invectiver, se braquer, s’accuser et se culpabiliser mutuellement? Nous ne produisons que des étincelles, nous ne faisons qu’épaissir un peu plus la texture de notre armure. Nous aboutissons à un cloaque désordonné fait de terrorisme, d’invasions impardonnables au nom des valeurs d’un petit groupe, d’injustices indélébiles qui se nourrissent elles-mêmes comme une bombe atomique lorsqu’elle engage sa réaction en chaîne.
Il est encore temps de nous réveiller, d’apprendre à connaître notre armure pour ne plus en être les esclaves. En la connaissant, nous pouvons la maîtriser et en sortir plus facilement afin d’enfin nous connaître nous-même.

C’est en s’adressant aux hommes dissimulés dans leurs armures que cette armure abandonnera peut-être ses composantes nuisibles et inutiles que sont le racisme et l’aveuglement. Devenir ce que nous sommes vraiment n’est-il pas un signe d’évolution?



Titophe

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12 décembre 2005

14 - Jeu de Mots

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Lundi 12 décembre 2005

Les mots, les expressions que nous utilisons sont-ils tous issus de notre libre arbitre ? Ne reflètent-ils pas parfois notre âme, notre inconscient qui aime jeter un peu de trouble dans tant d’assurance? Ne révèlent-ils pas aussi l’éternel conflit entre conscient et inconscient? Entre ce que nous souhaitons être et ce que nous sommes?
Alors, quand nous arrivons à les dompter, quelle victoire sur nous-même! Contrôler son langage n’est-il pas un peu contrôler son âme?
Bon j’arrête ici parce que je n’arrive plus à me comprendre moi-même. Mais disons que le thème est lancé.

Je vais bien entendu réduire immédiatement le sujet a celui du blog. Y a t il un vocabulaire, une syntaxe, spécifiques au ressenti raciste? Travailler le langage peut-il offrir un facteur d’évolution? That’s the question of the day!

Je vais essayer de classifier mots, expressions et lapsus en quelques catégories. J’éviterai de citer le langage ordurier explicitement raciste qui ne m’intéresse pas et sur lequel il n’y a rien à faire.

Le mot nègre est suffisament lourd de sens et d'histoire pour que je lui consacre un billet a lui seul. Je vous remercie d'avance pour toute information que vous pourriez me communiquer sur son histoire, son utilisation aujourd'hui et surtout, sur la manière dont il est ressenti par les différentes communautés. Je me bornerai ici à ne citer que les expressions qui l'utilisent.

HERITAGE COLONIAL

Tout d’abord, on peut citer certaines expressions, qui sont un héritage colonial et qui sont encore largement utilisées mais qui s’apparentent au lapsus dès qu’elles sont émises en présence de personnes qu’elles peuvent blesser:
Parler petit nègre: C’est rigolo, même le dictionnaire de Word ne connaît pas ce mot la. On notera, outre l’emploi du mot nègre, le qualificatif «petit» qui en dit long sur l’origine condescendante de cette expression.
Faire la bamboula: l’expression en soit n’a rien de choquant, la bamboula étant une danse, mais souvent les personnes qui l’utilisent sont gênées car le mot «bamboula» désigne aussi de façon péjorative un noir.
Bosser comme un nègre: Je l’entends encore assez souvent. Il s’agit de travailler beaucoup. Héritage direct et évident de l’esclavage.

LE BOBO

Ensuite viennent les expressions, les attitudes ou les remarques des personnes plutôt non racistes, type intellos baba cools. J’aime bien relever intérieurement ce que révèlent leurs paroles :
Quand ils parlent d’un noir, c’est toujours un type formidable, génial, etc… Vous ne les entendrez jamais dire que c’est un con. Pourtant, je trouve qu’il y a autant de cons noirs que de cons verts, si vous voyez ce que je veux dire. Pour éviter toute polémique inutile, j’ai conserve ma précieuse « carte de con » de mon adolescence et je revendique de toujours en être un, très officiellement.
«Ils ont le rythme dans la peau». Pfff, qu’est-ce que ça m’énerve ! Comme si avoir ou pas le sens du rythme était une obligation. Je me souviens d’un collègue Camerounais professeur qui dansait absolument comme un pied. Et alors, quand un noir arrive sur une piste de danse, quelle pression, quels regards attendant le show!

CIRCONVOLUTIONS

Viennent ensuite des mots, des expressions qui trahissent un certain malaise à dire les mots directement. Est-ce là le signe d'une prise de conscience inconsciente? (j'aime bien cette formule, l'autosatisfaction est un bon moteur)
«Un black» est aussi très utilisé par les gens cools qui connaissent pleins de «blacks». Idem, vous ne leur ferez jamais dire «noir» tous simplement. Ils font un blocage, ils s’autocensurent car ils doivent faire une association péjorative, je ne sais pas.
Dans le même genre, «gens de couleur» me fait bien rire. Le monde blanc étant certainement plein de gens translucides. Que de circonvolutions et de pirouettes syntaxiques pour ne pas prononcer les mots tout simples que sont noirs, arabes, métis, asiatique, etc... Ils ont pourtant le mérite d'être précis et ne portent en eux aucune injure, aucun irrespect!

Allez, je ne résiste pas au plaisir de mentionner ci-dessous un petit texte qui circule depuis bien longtemps sur Internet et qui a pour effet de divertir plus que de convertir:

POÈME D'UN NOIR POUR UN HOMME BLANC

Lorsque je nais, je suis noir.
Lorsque je grandis, je suis noir.
Lorsque je suis malade, je suis noir.
Lorsque j'ai froid, je suis noir.
Lorsque j'ai peur, je suis noir.
Lorsque je vais au soleil, je suis noir.
Et lorsque je meurs, je suis et je reste noir.

Toi, homme blanc,
Tu nais, tu est rose.
Tu grandis, tu es pêche.
Tu es malade, tu es vert.
Tu as froid, tu es bleu.
Tu as peur, tu es blanc.
Tu vas au soleil, tu es rouge.
Et lorsque tu meurs, tu es mauve.

Et tu oses me traiter d'homme de couleur!


Le verland est fortement utilisé par la jeunesse. Nous trouvons les mots reubeu et renoi désignant dans l'ordre les mots arabe et noir. Il est intéressant de noter ici que les jeunes aussi adoptent une forme de censure linguistique.
J'hésite sur beur. Historique: Beur, verlan de arabe. a-ra-beu = beu-ra-a et par contraction beur. On peut le classer ainsi dans les mots en verland, mais il s'agit aussi d'un mot politiquement correct puisqu'il est abondament utilisé dans les média. Il est intéressant de remarquer que même ces derniers préfèrent parler en verland. N'assiste-t-on pas ici à une généralisation de certaines inhibitions de langage? En faisant de l'humour de très mauvaise qualité, je trouverais drole que l'on renomme Rachid Arhab en Rachid Beur... Zut, c'est pas possible, Le Beur n'est pas à Rachid, c'est l'huile! Sorry, it's the last one...



A LA MODE

Et finalement, le politiquement correct.
Couples mixtes est une expression qui me touche directement. En effet, jusqu'à présent, l'adjectif mixte représentait pour moi une pluralité sexuelle. Par école mixte je comprenais un lieu d'éducation dans lequel les élèves étaient filles et garcons mélangés. Par mixité en politique, je comprenais la représentativité des femmes autant que des hommes. Ainsi, par couple mixte, je comprenais couple hétérosexuel. Mais là, erreur! Tout le monde comprend par "couple mixte" un couple dont les ethnies diffèrent. Je suis donc allé consulter un dictionnaire et ai trouvé la définition suivante:
MIXTE: , adj. et subst. masc. Qui comprend deux ou plusieurs éléments de nature différente... Nous serions donc de nature différente. A méditer calmement.


Que dire du mot «tolérance»? Je suis très surpris de voir qu’il est utilisé pour designer l’apaisement des relations entre ethnies tout en étant aussi utilisé pour illustrer le pardon pour des actes délictueux. C’est par exemple la fameuse «tolérance zéro» de la dernière campagne chiraquienne. Ainsi, il faudrait seulement se tolérer les uns les autres. En d’autres termes, s’accepter, se reconnaître sont des objectifs que l’on n’envisagerait même pas. Se tolérer représenterait une l’étape ultime. N’est-ce pas reconnaître implicitement que les hommes sont encore trop pleins de préjugés?

Minorités visibles est une expression à la mode. Je l’aime assez car elle pointe sur les différences comme étant celles de l’apparence uniquement.

Etre le nègre de quelqu'un, désigne celui qui fait le boulot à la place de l'autre, ce qui est bien à l'image d'une réalité historique.



CONCLUSION

Jusqu'à maintenant, j’ai recherché les racines du mal et suis convaincu que le racisme s’acquiert, que l’être humain nait vierge de ce ressentiment. Par ce petit billet, je me pose la question de savoir s’il ne s’entretient pas sournoisement.

La liste est infinie. Aussi, je vous propose un petit jeu. Si vous pensez à une expression, un mot, ou une attitude qui méritent d’être cités ici, faites le moi savoir et je me ferai un plaisir d’effectuer une mise a jour. De même, si vous pensez que les expressions déjà mentionnées méritent un complément de commentaire, n’hésitez pas à vous manifester.

Bonne semaine !

Apparté: SIGNEZ la pétition unitaire pour obtenir l’abrogation de l’article 4 de la loi du 23 février 2005
Fin de l'apparté.



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09 décembre 2005

13 - Demi Français

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Vendredi 9 Décembre 2005

Y a-t-il des Français à part entière et d’autres un peu moins ?
Je comprends que la question puisse choquer. Pourtant, je vais m’ouvrir un peu plus en partageant une expérience familiale qui pourrait freiner les réponses à l’emporte-pièce. Si je choisis de narrer cette expérience, c’est parce que je sais qu’elle est largement partagée par bon nombre de nos compatriotes.

Nous sommes un couple mixte, c'est-à-dire que l’un de nous (en l’occurrence mon épouse) a acquis la nationalité Française et n’est pas née Française. Nos enfants sont français bien entendu et je vais m’en tenir à notre dernière fille qui est née en France, de deux parents français, donc bien Française d’après la loi.
Ceci étant dit, chaque enfant en France (et ailleurs) a deux liens familiaux directs, ses liens maternels et ses liens paternels. Il est bon, dans un souci de grandir de façon équilibrée, que l’enfant connaisse et fréquence chaque partie de ses origines.
Lorsqu’une partie se trouve à l’étranger, des voyages sont donc nécessaires pour pouvoir se réunir. Seulement voila, l’expression « a l’étranger » peut avoir plusieurs significations suivant de quel étranger on parle. En effet, en plus d’être divisée en nations, toutes étrangères les unes aux autres, notre planète est aussi divisée en DEUX : une partie riche et une partie pauvre. Nous sommes bien entendu du coté qui surveille que cette séparation soit la plus étanche possible.
Ma fille souffre de difficultés de santé qui rendent un voyage au Cameroun encore trop dangereux pour elle. Elle subit en effet des soins réguliers et doit malheureusement encore trop souvent être proche d’un centre hospitalier lorsque ses crises le nécessitent. Ainsi, elle ne peut connaître sa famille maternelle qu’a la condition que celle-ci se déplace chez nous. Chez nous ai-je dit ? Euh… quand on est chez soi, on reçoit qui l’on veut, non ? Parce que…
Parce que pour venir chez nous, sa tante et sa cousine doivent obtenir un VISA. Et ça, c’est toute une histoire. Apres de longues et pénibles démarches elles se sont vues refuser ce précieux sésame, sans aucune raison invoquée. Pourtant, croyez moi, TOUT était parfaitement en règle. Mais voila, on prépare les prochaines élections et les Français aiment se sentir CHEZ EUX. Alors, tant pis pour les dommages collatéraux, la loi des grands nombres prime !


Ainsi, sachez qu’il y a quelque part en France une petite fille Française dont les parents sont tous les deux Français qui n’a pas le droit de connaître une moitié d’elle-même. Elle a sept ans aujourd’hui, l’age ou on commence a se poser des questions existentielles. Et bien je peux vous assurer qu’elle se les pose!
Elle si joyeuse, si éveillée, a collé dans sa chambre des photos jaunies d'enfants inconnus, parce qu'on lui a dit qu'ils étaient ses cousins et ses cousines. Parfois, il m'est arrivé de la voir pleurer en les regardant... Je suis son papa et je ne peux rien faire. Les boules!

Comment un pays si fier de son histoire, de sa déclaration des droits de l’homme, peut-il infliger ces souffrance a ses enfants, si ce n’est qu’en considérant que certains sont plus Français que d’autres ? Ma fille est-elle condamnée à se construire uniquement sur une moitié d’elle-même ?

Il s’agit d’un problème tout a fait personnel, mais je sais pertinemment que nombre d’enfants sont dans le même cas. Comment doivent-ils considérer l’Etat Français ? N’est-il pas un peu leur ennemi ? Celui qui n’est pas du même coté qu’eux ? Certains sentiments de révolte se comprennent lorsque l’on veut bien s’en donner la peine…

Bon week-end a tous.



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08 décembre 2005

12 - Question d’humour

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Jeudi 8 Décembre 2005

J’ai lu sur Internet plusieurs articles sur le thème du racisme et de l’humour. Un article a particulièrement attiré mon attention. Il s’agit de l’humoriste Dieudonné qui s’exprime à propos de certains sketches de Michel Leeb. Je ne reviendrai pas sur ses opinions, mais cela m’a ammené à réfléchir sur les mécanismes de l’humour et du rire ainsi que sur le lien que l’on pourrait faire avec le sentiment raciste. Je reste donc dans l’esprit du blog.

Tout d’abord, je vais commencer par relater rapidement quelques petites anecdotes personnelles :


Lorsque je vivais au Cameroun, je suis allé voir les spectacles de deux humoristes locaux, Jean-Michel Kankan et Essindi Mindja. Ces deux personnages, peu connus en France (Essindi a toutefois participe au festival d’Avignon dans les années 80), étaient de vrais stars au Cameroun. Je dis étaient, car je crois savoir que Jean-Michel Kankan est mort en 1999 et Essindi Mindja en 2005, il y a quelques mois.
Je suis moi-même un amateur de spectacles comiques (contrairement a ce que pourrait laisser croire ce blog) et donc plutôt bon public. Pourtant, je dois dire que le spectacle de Jean-Michel Kankan m’a laissé plutôt froid et que j’ai simplement souri à celui d’Essindi Mindja. Par contre, le reste du public était plié en deux ! (J’ai donc passe deux bonnes soirées quand même parce que le public Camerounais est un spectacle en soit lorsqu’on le découvre). Les gens riaient aux éclats, bien que pour la plupart ils connaissaient les paroles des sketches par cœur ! Bref, que se passait-il ?
Jean-Michel Kankan et Essindi Mindja faisaient appel à de nombreuses références culturelles qui m’étaient inconnues, ainsi qu’à une multitude d’acquis collectifs inconscients mais bien présents dans la salle. Leur talent aidant, la mayonnaise prenait parfaitement.


Bien plus tard, j’ai regardé avec ma fille un de ces fameux sketches de Michel Leeb ou il imite un Africain plutôt simple d’esprit qui achète ou vend (je ne m’en souviens plus) des patates. Ici, l’effet comique principal est basé sur une gestuelle simiesque, sur l’accent dit « africain » associé aux potentiels intellectuels plutôt limités du personnage. Le sketch marche très bien et le public rit beaucoup. Pourtant, l’effet sur ma fille de 7 ans ne m’a pas semblé très efficace. Pourquoi ? Tout simplement parce que ma fille a l’habitude d’entendre cet accent sans le trouver ridicule ou sans l’associer automatiquement a un handicap intellectuel. Ainsi, comme ses confrères camerounais, Michel Leeb fait-il référence à des inconscients collectifs ou culturels qu’il sait présents dans son public. Loin de moi l’idée d’accuser Michel Leeb de véhiculer un message raciste, c’est peut-être là que je ne rejoins pas Dieudonné. Il utilise simplement des références sociologiques locales afin de faire prendre une mayonnaise que l’on appelle le rire. (On peut néanmoins s'interroger sur les raisons qui associent une démarche simiesque avec un homme noir)

Je pourrais aussi citer Muriel Robin qui fait beaucoup rire en interprétant une femme dont la fille lui annonce qu’elle va épouser un noir. L’effet comique est ici provoqué par les efforts de la mère pour ne pas laisser paraître son malaise. Le malaise allant de soit dans notre inconscient collectif, tout le monde se reconnaît dans cette situation et ça marche encore une fois.

Ces anecdotes sont révélatrices. En effet, elles montrent bien qu’un certain inconscient collectif existe et est connu de ceux qui l’utilisent. L’humour fait appel a ce qui est enfoui au plus profond de nous et, en le sollicitant, déclenche le rire.

Bien, mais peut-on dire pour autant que rire des sketches de Michel Leeb ou de Muriel Robin sous-entende automatiquement d’avoir un fond raciste ? La question n’est pas politiquement correcte, j’en conviens. De plus, qui se risquerait à répondre ? Pas moi en tous cas. Je terminerai plutôt par quelques interrogations.

Je fais l’hypothèse que le lecteur de ce billet est blanc. Je vous demande donc un effort d’imagination et de vous transporter par la pensée dans la situation suivante :
Vous vous trouvez dans une salle de spectacle, tous les spectateurs sont noirs, sauf vous. Le spectacle en question est une suite de sketches dont ceux de Michel Leeb et Muriel Robin décrits plus haut. Etes-vous à l’aise ?

Terminons par un sourire : Imaginons plutôt Chirac a Bamako ces derniers jours invitant ses homologues Africains pour un spectacle de clôture a l’ambassade de France et découvrant que le spectacle en question inclut ces deux sketches !

Ah ! oui, j’oubliais un point important : On peut aussi parfois se sentir blessé en voyant rire ceux que l’on aime…

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06 décembre 2005

11bis - Ma photo montage

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Mercredi 7 décembre 2005

Hier, j'avais décidé de m'amuser un peu en faisant de la provocation. Grace à vos commentaires très précieux (Recevoir les conseils d'Isabelle de bon matin est un bon "starter" pour aborder sereinement la journée!) et grace au talent de JEAN, j'ai décidé aujourd'hui de revoir ma copie. En effet, la provocation gratuite ne peut qu'aboutir à un peu plus d'incompréhension.

Jeudi 8 Décembre: Finalement, j'enlève cette deuxieme photo. Je conserve ce post uniquement pour ne pas perdre les commentaires precieux auxquels il est lié. Il s'agissait plus d'un geste d'humeur que d'une réflexion. Je dois m'expliquer, je le ferai dans mon prochain billet que j'intitulerai Demi Français

On verra plus tard, j'ai encore besoin de reflechir


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11 - Rancune et polémique

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Mardi 6 décembre 2005

La rancune est certainement un sentiment compréhensible, je pense néanmoins qu’il ne peut que générer polémique et incompréhension. En effet, il aboutit à une forme de paranoïa ou plutôt peut être ressenti comme tel. Je remercie ici Isabelle pour son billet sur la polémique qui offre un éclairage intéressant sur ce type de relation et de communication.

Je souhaite aujourd’hui livrer un témoignage qui a marqué mon enfance et qui atteste que l’on peut éviter toute rancune sans perdre sa dignité.

Papy, je ne t'ai pas oublié - Titophe
Mon grand-père est né en 1917. Orphelin de la 1ere guerre mondiale, il n’a jamais connu son père. Agricultrice, sa mère (donc mon arrière-grand-mère) a tenu à ce qu’il aille à l’école le plus longtemps possible. Il est donc allé au Lycée et a même appris des langues étrangères, dont l’allemand. Néanmoins, pour des raisons économiques évidentes, il n’a pu poursuivre d’études supérieures et a donc du reprendre la petite exploitation familiale assez jeune.En 1939, il était déjà marié et ma grand-mère était enceinte de mon père lorsqu’il est parti à la guerre.

Il a été fait prisonnier très rapidement. Plutôt hardi, il a fait plusieurs tentatives d’évasion dont certaines ont été couronnées de succès pour ceux qui l’accompagnaient. Lui n’a pas eu cette chance est s’est retrouvé en camp disciplinaire au bout de peu de temps. Il a du de rester en vie au fait qu’il parlait allemand et était utilisé comme traducteur. Il a subi de nombreux sévices, dont plusieurs épisodes de tortures qui ont très fortement affecté sa santé. Il en est mort à 61 ans en 1978.
Ceci dit, il a connu mon père (son fils) en 1945 à son retour de captivité. Il y avait-la de quoi réunir un certain nombre de rancunes…

En arrivant à la ferme familiale, il a trouvé un Allemand. Un ancien officier de la Wehrmacht qui était à son tour prisonnier dans le cadre d’un programme de reconstruction des campagnes françaises. Il était arrivé là en tant que commis fermier et ceci pour une durée de 2 ans.

Mon grand-père l’a non seulement accueilli en frère, mais est devenu son ami. Ils ont tissé des relations fortes car ils étaient tous les deux conscients de leur simple condition humaine. Ils se sont vus jusqu'à sa mort et la relation dure encore entre cet homme, son épouse et le reste de notre famille. Cet ami très cher faisait bien entendu parti de la liste de nos convives lors de notre mariage en 1990.

Lorsque mon grand-père est mort, j’avais 13 ans. Notre relation était très forte et nous passions de longues journées ensemble pendant les vacances scolaires. Il a quelques part transféré les 6 années manquées avec mon père (son fils) sur moi. Il s’est très souvent confié à moi en me relatant à la fois des anecdotes sur cette période et en me donnant son analyse. Cela est resté à jamais gravé dans ma mémoire. Pour l’enfant que j’étais, ce grand-père était un dieu vivant. Aussi étais-je plus que réceptif a ses points de vue et aux valeurs qu’ils véhiculaient.

Avec le recul, je réalise l’immense cadeau qu’il m’a fait. Pour lui, un Allemand était un homme avant tout. Je me souviens très bien du timbre de sa voix prononçant ces mots dans sa bouche : «Tu sais, il y a des cons, des moins cons, et des gens qu'il ne faut pas rater, mais ca ne se devine pas comme ca. Il faut se connaître d’abord.» Le nazisme était un système, mais les hommes restaient des hommes, sans pour autant tous devenir des bouchers et des tortionnaires parce qu’ils appartenaient a une certaine catégorie ethnique, nationale ou politique.


Ceci n’est qu’une anecdote, mais elle montre que l’on peut aller au-delà des rancunes et construire quelque chose de fort lorsque l’on transcende ses préjugés. Derrière la carapace de nos acquis restent les potentiels et la beauté de ce que nous sommes vraiment. A mon tour, j'essaye de transmettre le message à mes filles.



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05 décembre 2005

10 - L’égoïsme dans le racisme

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Lundi 5 décembre 2005


Ou est la part d’égoïsme dans le sentiment raciste? Je m’interroge sur ce thème alors qu’encore une fois, une grand-messe postcoloniale a lieu au Mali (le fameux sommet France-Afrique).

Le racisme aujourd’hui est, je le pense sincèrement, un héritage culturel avant tout. Mais il est aussi devenu une crainte, celle d’une petite proportion nantie de l’humanité face à une immense majorité pauvre. Les cibles du racisme (noirs et arables principalement) sont en effet associées aux nations d’où ils sont issus (Afrique et Moyen-Orient) qui sont parmi les plus pauvres du monde. Ainsi, le rejet des individus est-il amplifié par le rejet de la pauvreté, par un mécanisme implacable d’association.

La mondialisation, qui peut d’un certain coté être vue comme une redistribution plus équitable des richesses est plutôt vécue comme une spoliation de nos privilèges. Que l’on ne se méprenne pas, je suis cadre dans une multinationale Américaine qui fait actuellement beaucoup parler d’elle suite aux « délocalisations » sauvages qu’elle entreprend. Je fais donc partie des prochaines victimes du processus et je ne le vis pas mieux que quiconque. Je constate simplement que nous nous sommes habitués à ce statut de privilégiés et que la pauvreté des autres peuples ne nous affecte qu’à la condition qu’elle ne nous impacte pas. Finalement, nous pourrions résumer le processus de délocalisations par le slogan « riches recherchent pauvres désespérément ».

La pauvreté de ces pays est-elle une conséquence de notre histoire esclavagiste et coloniale? Tous ces pays sont en effet des lieus et des peuples que l’Occident a exploités et sur lesquels s’est bâtie notre puissance industrielle et économique, principalement au 19e siècle et au 20e siècle. Reconnaître notre responsabilité historique revient à dire que leur désespoir aujourd’hui est en partie de notre fait. Ce n’est bien entendu pas la seule raison, mais c’est une des principales.
Ainsi, l’immigration économique que nos dirigeants et prétendants veulent combattre ardemment est-elle quelque part une conséquence de notre propre responsabilité historique.

Le racisme s’exprime aussi dans cette logique. Le rejet d’un noir ou d’un arabe lorsque ce dernier souhaite s’élever dans la hiérarchie sociale est aussi le signe que certains souhaitent que «chacun reste a sa place». En caricaturant, on pourrait dire que «les blancs restent riches» et que «les autres restent pauvres». Changer cette logique est encore déstabilisant pour beaucoup. Le noir qui s’élève ne prend-il pas une richesse que je considérais comme mienne de fait?

Isabelle, dans un de ses billets si bien écrits, commente son expérience passée au Cameroun, pays que je connais bien aussi. Elle explique que beaucoup d’expatriés deviennent racistes ou le deviennent encore plus s’ils l’étaient déjà. C’est un reflexe de protection ou « d’égoïsme », car on confronte une pauvreté manifeste à une aisance très voyante. Je me souviens m’être fait la remarque lorsque je vivais là-bas : «Ai-je une tête de porte-monnaie?». J’étais jeune et ne pouvais alors avoir le recul nécessaire pour analyser ma situation. Heureusement pour moi, j’ai échappé au tourbillon ambiant.

En résumé, le racisme est chez nous aussi une forme de rejet empreint d’égoïsme. Beaucoup ont du mal à accepter que noirs et arabes puissent vivre, sinon mieux qu’eux, au moins aussi bien qu’eux. Sortir le racisme de notre quotidien c’est aussi accepter tout le monde dans le petit cercle des nantis. C’est pourquoi je ne me prononce pas sur la fameuse «discrimination positive».

Dernière minute: Je vous engage à lire, voir et écouter ce morceau de hip-hop qui résume avec talent le besoin de changement de nos jeunes concitoyens. Ils me redonnent confiance.


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02 décembre 2005

9 - Questions en vrac

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Vendredi 2 décembre 2005

Je me pose encore tant de questions! Impossible de répondre avec certitude. Ce blog sera peut-être l’occasion pour moi de connaître les réponses de ceux d’entre vous qui voudront bien passer quelques minutes à réfléchir. En vrac, quelques-unes des questions qui me hantent :

Qu’est-ce qu’une idée? Qu’est-ce qu’une opinion?
Peut-on rattacher le concept d’idée a celui de valeurs? Les valeurs sont-elles uniquement un héritage culturel?

L’individu est-il responsable de ses idées?
Où est la part d’innée, où est celle de l’acquis? Le libre arbitre peut-il être générateur d’idées ou seulement d’actes?

Le racisme est-il une idée?
Peut-on parler d’opinion? N’est-ce pas plutôt une valeur?
VALEUR : Réalité morale à laquelle un homme ou un groupe sont très attachés.

Peut-on être raciste tout en voulant ne pas l’être?
Ou plutôt, suffit-il de vouloir ne pas l’être pour ne plus l’être? La volonté est-elle suffisante ou bien uniquement nécessaire? La démarche intellectuelle de s’accepter représente-t-elle un effort?

Que signifie le terme multiculturel?
Est-ce forcement une situation qui confronte des valeurs, qui les oppose?

L’individu doit-il être dans un état particulier pour accepter de nouvelles idées?

J’ai choisi aujourd’hui de ne pas faire part de mes propres réponses. Avant tout parce qu’elles ne représentent pas de certitudes, et ensuite parce que je souhaite connaître les vôtres sans les influencer.

Merci d’avance

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01 décembre 2005

8 - Le leurre des différences

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Jeudi 1er Décembre 2005

Se connaître, voila une porte de sortie. Je veux aujourd’hui écrire une note un peu plus personnelle.
Tous ces préjugés, toutes ces idées reçues sont avant tout une forme d’ignorance. La plupart des gens qui contiennent en eux ces sentiments ne connaissent pas de personnes appartenant aux groupes ethniques différents du leur. Il suffit souvent qu’ils fassent une rencontre pour que s’insinuent en eux d’abord le doute, puis la prise de conscience et enfin un changement radical.

Je vais partager avec les lecteurs mon expérience personnelle avec une personne noire que je pense connaître plutôt bien : mon épouse depuis 17 ans.

Nous nous sommes rencontrés au Cameroun dans les années 80 où j’étais donc en situation d’émigré. Je faisais partie des minorités ethniques et avais vite compris que ma couleur était aussi une étiquette, chose nouvelle pour moi. J’étais ainsi en situation de « sensibilité particulière » sur le sujet.

Environ un a deux jours après notre rencontre, je me souviens m’être fait la remarque que je ne la regardais pas comme une personne « noire » ou disons comme appartenant a une catégorie différente de la mienne, mais comme une femme, comme n’importe quelle petite amie que j’avais pu avoir auparavant. Je dirais même que je la regardais comme « la femme » de ma vie, le coup de foudre aidant. Bizarre bizarre… Que s’était-il passé ?
Tout d’abord, j’avais découvert qu’une fois la lumière éteinte, nous n’étions plus un couple « mixte » mais simplement un couple.
Ensuite, bien entendu, notre relation s’est étoffée et ne s’est pas limitée à des joies purement charnelles. Nous avons donc rallumé la lumière. J’ai ainsi découvert une jeune femme tout a fait comparable (en mieux ma chérie, je te l’assure !) a celles que j’avais déjà connues. Mêmes préoccupations, même féminité, mêmes contradictions (aie ! le machisme est aussi une forme de racisme ! je dois faire attention…). Et cela dure depuis 17 ans. J’ai donc rencontré une femme noire pendant quelques heures pour finalement vivre depuis 17 ans avec une femme incolore.

Que s’est-il passé dans mon esprit ? J’ai tout simplement réalisé que mes sentiments étaient ceux qu’un être humain male éprouve pour un être humain femelle lorsqu’il s’agit d’amour. Donc j’étais bien en présence d’un être humain absolument de la même espèce que moi ! Wahoo ! Quelle révélation ! Ou plutôt, quelle prise de conscience, quelle claque ! Mais alors, ces indigènes que l’on nous présente toujours comme des curiosités dans les documentaires mi-animaliers, mi-daktari, seraient tout simplement COMME MOI !? Finalement, j’ai trouvé ça plutôt génial. Pourtant, je n’étais pas au bout de mes surprises… En effet, ayant changé mon regard, il fallais maintenant que j’apprenne a supporter celui des autres…
Ca m’a pris 17 ans…


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