Racisme et Histoire: Le Tabou

La société Francaise souffre d'amnésie. Elle se refuse à reconnaitre les périodes peu glorieuses de son histoire durant lesquelles l'esclavagisme et le colonialisme ont été justifiés par un racisme institutionnel. Ces périodes sont révolues, mais mal assumées, formant ainsi un bon terreau pour permettre au racisme institué à l'époque de survivre sous d'autres formes.

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Marié a une femme noire depuis bientot 20 ans, père d'enfants metis, je suis de plus en plus inquiet face aux non-dits de notre société occidentale. Admettre et reconnaitre notre histoire dans ses composantes les moins glorieuses serait enfin admettre qu'etre Francais, ce n'est plus seulement etre un descendant des gaulois. Nous pourrions rendre leur dignité a celles et ceux qui se sentent exclus.

Le coin des compteurs
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17 juillet 2008

161 - Interdit d'aimer

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Jeudi 17 juillet 2008

Nouvel article du Monde, qui me touche de prêt. Au nom de la suspiscion, pour entretenir un populisme nauséabond, on ferme non seulement les frontières aux corps, mais aux âmes aussi.



Les mariages entre Français et étrangers de plus en plus contrôlés



Factures de téléphone, mails, photos..., elle a "tout livré" de sa vie. Mais ni la commission de recours contre les refus de visa, ni le Conseil d'Etat, qu'elle a saisi en référé, n'ont rien voulu entendre. Mariés depuis janvier, Marie et Yassir, 25 et 24 ans, partagent leur vie quotidienne par Webcam interposée.

A Fez, au Maroc, Yassir attend vainement que le consulat français lui accorde un visa pour rentrer en France s'installer avec son épouse. Ils se sont rencontrés en 2004, à Dijon, où tous deux faisaient leurs études. Fin 2006, l'administration a refusé de renouveler le titre de séjour de Yassir. Ils étaient pourtant pacsés et Yassir avait une promesse d'embauche. Plutôt que de rester en France en situation irrégulière, Yassir est reparti pour "reprendre les démarches, en toute légalité, au Maroc" et ainsi "mettre toutes les chances de (leur) côté". Depuis, il attend toujours. Envahi d'un sentiment de "grande injustice", il trouve la situation "incompréhensible". Car "nous faisons tout en règle, nous avons un vrai projet d'avenir..." Leur mariage, au Maroc, a été transcrit par l'état civil français.

Le cas de Marie et Yassir n'est pas isolé. Pour beaucoup de couples mixtes, le mariage est devenu un parcours du combattant. Une réalité qui a conduit en juin 2007 à la création, à Montpellier, du collectif "Les amoureux au ban public". En un an, ce mouvement s'est implanté dans plus d'une vingtaine de villes et a rassemblé deux mille couples de tous milieux et de toutes origines. Ils sont confrontés à des lois de plus en plus strictes et des pratiques administratives kafkaïennes, au nom de la lutte contre les mariages blancs et du contrôle de l'immigration familiale. Mercredi 16 juillet, ces couples lancent une campagne d'opinion, avec une plate-forme de dix revendications, pour que leur droit à vivre librement soit respecté.

"La délivrance d'un visa à un étranger pour lui permettre de se marier en France avec une personne française est très exceptionnelle. Dans l'immense majorité des cas, il est refusé et les couples sont obligés soit de se marier à l'étranger, soit de demander un visa de tourisme pour le conjoint non français", observe Nicolas Ferran de la Cimade, à l'origine du mouvement.

A l'étranger, il faut obtenir au préalable du consulat de France un certificat de capacité à mariage, puis, le mariage célébré, demander sa transcription auprès de l'état civil français. La procédure peut prendre plusieurs mois. En France, le couple prend le risque de vivre un temps dans l'illégalité et d'être soumis à une enquête. Le Conseil constitutionnel a rappelé que l'irrégularité du séjour n'est pas un indice suffisant pour suspecter un défaut de sincérité et ne doit pas entraver la liberté de mariage. Mais certains élus locaux saisissent systématiquement le procureur, que le conjoint étranger ait ou non des papiers.

Ouafa, marocaine, travaille en France depuis 2006 en toute légalité comme secrétaire traductrice. Elle a épousé en janvier un chercheur du CNRS. Elle n'a pas du tout aimé cette "intrusion dans l'intimité" de son couple avant son mariage : "Quel est notre délit : de s'aimer ?" "En 1981, l'obligation pour les étrangers d'obtenir l'autorisation du préfet pour pouvoir se marier a été supprimée. Mais, relève Nicolas Ferran, cette autorisation est de fait rétablie : le procureur s'est simplement substitué au préfet."

Laetitia Van Eeckhout



Source: Le Monde.fr



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08 juillet 2008

160 - "Dehors! On ne veut pas de vous ici!"

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Mardi 8 juillet 2008

Un article du Monde m'a interpellé aujourd'hui. C'est l'histoire de l'expulsion d'une personne ayant travail et famille, mais pourtant indésirable... Je relaye:

CHOLET (MAINE-ET-LOIRE) ENVOYÉE SPÉCIALE

Il aperçoit parfois le visage de son père sur l'écran de la webcam installée dans le salon mais il lui faut chercher loin ses "vrais" souvenirs : Mamadou, 5 ans, a vu son père pour la dernière fois le 27 janvier 2006.

"Ce jour-là, les policiers ont sonné à 7 heures du matin, raconte sa mère, Kadiatou Diakité. Oumar a ouvert la porte, j'étais en train de préparer Mamadou pour l'école. Nous avons tout de suite compris qu'ils venaient pour l'expulser. Oumar a mis un pull, il a été autorisé à prendre une brosse à dents et du dentifrice, et ils l'ont emmené. Mamadou avait 2 ans et demi, il pleurait, il s'accrochait à son père."

Depuis ce jour, Kadiatou Diakité et Mamadou, qui vivent à Cholet (Maine-et-Loire), n'ont jamais revu Oumar. Le temps a passé, Mamadou a grandi, mais Kadiatou Diakité n'a pas oublié ce jour de janvier où elle a vu son compagnon pour la dernière fois. "
J'ai à peine pu lui parler avant son départ, soupire-t-elle. Il est resté deux jours au centre du Mesnil-Amelot, où un étranger qui était retenu à ses côtés lui a prêté une carte téléphonique. On a pu échanger quelques mots mais il a été expulsé le lendemain vers Bamako, sans que je sois prévenue. Il a été chassé sans bagages, comme un malpropre, comme un bandit."


DÉSORMAIS SANS RESSOURCES


Kadiatou Diakité et Oumar Diallo, qui sont tous deux originaires du Mali, se sont rencontrés en 2002, dans le Maine-et-Loire. Elle suit alors un troisième cycle de droit public à l'université d'Angers, il est inscrit à la faculté de Cholet. En 2003, peu avant la naissance de Mamadou, ils s'installent dans le logement étudiant d'Oumar, à Cholet. Kadiatou Diakité et Oumar Diallo sont alors en situation régulière sur le territoire français : ils ont quitté Bamako avec un visa étudiant et ils sont titulaires d'un titre de séjour.

Mais Oumar Diallo commence à travailler pour faire vivre sa famille et, le 21 février 2005, la préfecture du Maine-et-Loire lui refuse le renouvellement de son titre de séjour étudiant. "Il a alors téléphoné pour savoir s'il pouvait changer de statut, raconte Michel Le Cler, le responsable du comité de soutien à Oumar Diallo. Une dame, à la préfecture, lui a répondu qu'il lui fallait trouver un emploi, de préférence en contrat à durée indéterminée (CDI)."

Le 30 avril 2005, Oumar Diallo signe un CDI à l'usine d'Heuliez de Cerizay (Deux-Sèvres), mais la procédure suit son cours : le 17 novembre 2005, il fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière. Deux mois plus tard, il est expulsé.

Depuis le départ de son compagnon, Kadiatou Diakité vit seule avec son fils dans une cité de Cholet. Elle a perdu son titre de séjour étudiant en arrêtant ses études et elle est désormais sans ressources. "Elle n'a pas le droit de travailler et elle ne veut pas tricher, poursuit Michel Le Cler. Elle a adressé une demande d'aide à la mairie de Cholet pour la cantine, mais elle a été refusée." Son loyer - 350 euros par mois - et une partie de ses courses sont payées par le comité de soutien. "Je vais aussi aux Restos du coeur, soupire-t-elle. C'est dur, je ne sais pas tendre la main."

Lors de l'expulsion de son père, Mamadou, qui a aujourd'hui 5 ans, a traversé une période difficile. "C'était un petit garçon très bien intégré qui prenait beaucoup de plaisir à venir à l'école, raconte Marie-Aline Boyer, l'ancienne directrice de l'école maternelle du quartier. Sa vie a basculé du jour au lendemain : il était stressé, il avait du mal à comprendre pourquoi son père avait disparu, il sentait beaucoup de désespoir autour de lui. C'est un petit garçon volontaire, qui s'accroche, qui a fait du chemin depuis cette époque, mais, aujourd'hui encore, on sent chez lui une inquiétude qui l'empêche de s'épanouir comme un autre enfant."

Mamadou a accroché des photos de son père dans sa chambre et il lui envoie régulièrement des dessins à Bamako, mais il n'accepte toujours pas son absence. "A l'école, il invente des histoires, poursuit Kadiatou Diakité. Il dit que son papa va l'amener au parc, qu'il l'accompagne souvent au cinéma. Il l'adorait, il ne l'avait jamais quitté pendant plus d'une journée. Après l'expulsion, c'était comme si quelque chose s'était cassé : il faisait de grosses colères, il refusait tout ce qu'on lui proposait, il était révolté."


"LA PEUR AU VENTRE"


Malgré la circulaire Sarkozy sur les parents d'enfants scolarisés de juin 2005, Kadiatou Diakité, qui est devenue - bien malgré elle - l'un des symboles des sans-papiers de Cholet, n'a pas été régularisée. Elle vit aujourd'hui terrée dans sa cité : elle ne quitte pas la ville de peur de subir un contrôle. "Nous sommes enfermés ici depuis deux ans et demi, poursuit-elle. Le mercredi et le samedi, un membre du comité de soutien emmène Mamadou à la patinoire, mais nous sortons le moins possible - de toute façon, je n'ai pas d'argent pour nous payer le bus. Quand je vais au magasin, j'ai la peur au ventre."

Kadiatou Diakité n'envisage pas pour autant de retourner au Mali : elle a fait des études supérieures et quitté Bamako pour s'éloigner d'un père polygame qui s'apprêtait à la marier et elle ne souhaite pas renouer avec les traditions familiales maliennes. "Je suis venue ici contre l'avis de mon père, en me débrouillant toute seule, parce que j'avais envie d'avoir un peu de liberté", résume-t-elle. Malgré son abattement, Kadiatou Diakité attend toujours une régularisation. "Je ne veux pas rentrer au Mali et vivre comme ma mère a vécu, conclut-elle. J'aimerais tellement que Mamadou aille à l'école ici, en France, et qu'il ait une bonne éducation."

Anne Chemin


Source: Le Monde.fr





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