Racisme et Histoire: Le Tabou

La société Francaise souffre d'amnésie. Elle se refuse à reconnaitre les périodes peu glorieuses de son histoire durant lesquelles l'esclavagisme et le colonialisme ont été justifiés par un racisme institutionnel. Ces périodes sont révolues, mais mal assumées, formant ainsi un bon terreau pour permettre au racisme institué à l'époque de survivre sous d'autres formes.

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Marié a une femme noire depuis bientot 20 ans, père d'enfants metis, je suis de plus en plus inquiet face aux non-dits de notre société occidentale. Admettre et reconnaitre notre histoire dans ses composantes les moins glorieuses serait enfin admettre qu'etre Francais, ce n'est plus seulement etre un descendant des gaulois. Nous pourrions rendre leur dignité a celles et ceux qui se sentent exclus.

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31 janvier 2006

25 - Reconnaissance du crime d'esclavage

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Mardi 31 Janvier 2006

Ca y est, une étape importante vient d'être franchie. Jacques Chirac a prononcé hier un discours qui je l'espère marquera la fin d'une certaine hypocrisie d'état.
Ne pas oublier qu'il ne s'agit que d'une étape. Pour ceux qui, comme moi, souhaitent avant tout combattre le racisme, ce n'est qu'un début. A voir par exemple une démarche analogue pour les périodes coloniales et post-coloniales. Voici le texte du discours dans son intégralité:

Dans l'histoire de l'humanité, l'esclavage est une blessure. Une tragédie dont tous les continents ont été meurtris. Une abomination perpétrée, pendant plusieurs siècles, par les Européens à travers un inqualifiable commerce entre l'Afrique, les Amériques et les îles de l'océan Indien. Un trafic dont il faut se représenter la réalité : des villageois vivant dans la peur, enlevés en masse, privés de leur identité, arrachés aux leurs et à leur culture. Tant d'hommes et de femmes captifs, entassés dans des bateaux où plus d'un sur dix mourait. Tant d'hommes et de femmes vendus comme du bétail et exploités dans des conditions inhumaines! Chère Maryse Condé [écrivain, présidente du Comité pour la mémoire de l'esclavage], vous le racontez avec force et émotion dans votre beau livre, Ségou. La plupart des puissances européennes se sont livrées à la traite. Pendant plusieurs siècles, elles ont assimilé des êtres humains à des marchandises. En France, le code noir, promulgué en 1685, définissait l'esclave comme un "bien meuble".

L'esclavage a nourri le racisme. C'est lorsqu'il s'est agi de justifier l'injustifiable que l'on a échafaudé des théories racistes. C'est-à-dire l'affirmation révoltante qu'il existerait des "races" par nature inférieures à d'autres. Le racisme, d'où qu'il vienne, est un crime du cœur et de l'esprit. Il abaisse, il salit, il détruit. Le racisme, c'est l'une des raisons pour lesquelles la mémoire de l'esclavage est une plaie encore vive pour certains de nos concitoyens.

Dans la République, nous pouvons tout nous dire sur notre histoire. C'est d'autant plus vrai que la République s'est construite avec le mouvement de l'abolition. Les premiers à combattre l'esclavage furent les esclaves eux-mêmes. Les révoltes étaient fréquentes et sévèrement réprimées. Plus tard, il y eut le commandant Delgrès, soldat de l'armée républicaine, qui proclama le 10 mai 1802 qu'il voulait "vivre libre ou mourir"; Toussaint-Louverture, qui créa les conditions de l'indépendance de Saint-Domingue, devenue Haïti; la mulâtresse Solitude, Cimendef et Dimitile, figures emblématiques des "marrons", comme on appelait alors les esclaves fugitifs. Ces noms, ces destins hors du commun, souvent tragiques, trop peu de Français les connaissent. Pourtant, ils font partie de l'histoire de France.

Très tôt, une prise de conscience avait germé. Quelques-uns, parmi les Européens, s'étaient dressés contre l'esclavage. En France, ceux qui, avant même la République, avaient l'esprit républicain firent de l'émancipation leur combat. Ce fut l'honneur de la Ire République, en 1794, d'abolir l'esclavage dans les colonies françaises. Rétabli par le Consulat en 1802, il fut définitivement aboli, par la IIe République, le 27 avril 1848, à l'initiative de Victor Schœlcher.

Il faut le dire, avec fierté : depuis l'origine, la République est incompatible avec l'esclavage. C'est dans cette tradition historique que s'est inscrite la représentation nationale, lorsque, en 2001, elle a fait de la France le premier pays au monde à inscrire, dans la loi, la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité.

L'abolition de 1848 est un moment décisif de notre histoire : l'un de ceux qui ont forgé l'idée que nous nous faisons de notre pays, terre des droits de l'homme. Mais, au-delà de l'abolition, c'est aujourd'hui l'ensemble de la mémoire de l'esclavage, longtemps refoulée, qui doit entrer dans notre histoire : une mémoire qui doit être véritablement partagée.

Ce travail, nous devons l'accomplir pour honorer la mémoire de toutes les victimes de ce trafic honteux. Pour leur rendre la dignité. Nous devons l'accomplir pour reconnaître pleinement l'apport des esclaves et de leurs descendants à notre pays. Car de l'histoire effroyable de l'esclavage, de ce long cortège de souffrances et de destins brisés, est née aussi une grande culture. Et une littérature qui constitue sans doute l'une des meilleures parts de la littérature française d'aujourd'hui : vous en êtes, chère Maryse Condé, cher Edouard Glissant, parmi les plus éminents représentants. Et je pense aussi, bien sûr, à Aimé Césaire.

La grandeur d'un pays, c'est d'assumer toute son histoire. Avec ses pages glorieuses, mais aussi avec sa part d'ombre. Notre histoire est celle d'une grande nation. Regardons-la avec fierté. Regardons-la telle qu'elle a été. C'est ainsi qu'un peuple se rassemble, qu'il devient plus uni et plus fort. C'est ce qui est en jeu à travers les questions de mémoire : l'unité et la cohésion nationale, l'amour de son pays et la confiance dans ce que l'on est.

C'est pourquoi je souhaite que, dès cette année, la France métropolitaine honore le souvenir des esclaves et commémore l'abolition de l'esclavage. Ce sera, comme le propose votre rapport, au terme d'un travail très approfondi, le 10 mai, date anniversaire de l'adoption à l'unanimité par le Sénat, en deuxième et dernière lecture, de la loi reconnaissant la traite et l'esclavage comme un crime contre l'humanité.

Aucune date ne saurait concilier tous les points de vue. Mais ce qui compte, avant tout, c'est que cette journée existe. Elle ne se substituera pas aux dates qui existent déjà dans chaque département d'outre-mer. Dès le 10 mai de cette année, des commémorations seront organisées dans les lieux de mémoire de la traite et de l'esclavage en métropole, outre-mer et, je le souhaite, sur le continent africain. Votre Comité devra y veiller.

Au-delà de cette commémoration, l'esclavage doit trouver sa juste place dans les programmes de l'école primaire, du collège et du lycée. En outre, les œuvres, objets et archives relatifs à la traite et à l'esclavage constituent un patrimoine d'une exceptionnelle richesse : il devra être préservé, valorisé et présenté au public dans nos musées.

Nous devons également développer la connaissance scientifique de cette tragédie. Même si cela ne diminue en rien la responsabilité des pays européens, la mise en place de la traite, comme l'a bien montré votre rapport, demandait une organisation, mais aussi des relais actifs dans les territoires dont étaient issus les esclaves ou dans des pays voisins. Il y eut un esclavage avant la traite. Il y en eut un après. Enrichir notre savoir, c'est le moyen d'établir la vérité et de sortir de polémiques inutiles. Un centre de recherche sera créé à cet effet.

Et, bien sûr, la mémoire de l'esclavage doit s'incarner dans un lieu ouvert à tous les chercheurs et au public. J'ai décidé de confier à Edouard Glissant, l'un de nos plus grands écrivains, homme de la mémoire et de l'universel, la présidence d'une mission de préfiguration d'un Centre national consacré à la traite, à l'esclavage et à leurs abolitions. Le Comité pour la mémoire de l'esclavage, chère Maryse Condé, sera étroitement associé à cette mission.

Enfin, le combat contre l'asservissement est un combat d'aujourd'hui. C'est un combat de la France et de la francophonie. Le travail forcé existe, sous une forme ou sous une autre, sur presque tous les continents : selon les Nations unies, plus de 20 millions de personnes en sont victimes. Comment tolérer qu'en ce début du XXIe siècle il y ait, dans le monde, des familles "enchaînées", génération après génération, dans la servitude pour dettes? Que tant d'enfants travaillent, et dans des conditions épouvantables? Que tant de jeunes filles soient vendues par leurs familles, pour devenir des domestiques sans salaire ou être livrées à la prostitution? Il y a eu des progrès. Mais la tâche reste immense : la France est au premier rang dans ce combat pour les droits de l'homme. Afin de lutter contre les survivances de l'esclavage, mais aussi contre ses résurgences dans le contexte de la compétition économique mondiale, il faut approfondir la coopération entre les pays du Nord et ceux du Sud. La croissance doit être un accélérateur du progrès social. Il faut aussi rapprocher les organisations internationales concernées, en particulier l'Organisation internationale du travail et l'Organisation mondiale du commerce. Le droit du commerce international ne saurait ignorer les principes fondamentaux des droits de l'homme.

Il nous faut enfin veiller à ce que les entreprises occidentales, lorsqu'elles investissent dans les pays pauvres ou émergents, respectent les principes fondamentaux du droit du travail tels qu'ils sont inscrits dans le droit international. C'est pourquoi je compte proposer une initiative européenne et internationale. Les entreprises qui, sciemment, auraient recouru au travail forcé doivent pouvoir être poursuivies et condamnées par les tribunaux nationaux, même pour des faits commis à l'étranger.

L'esclavage et la traite sont pour l'humanité une tache indélébile. La République peut être fière des combats qu'elle a gagnés contre cette ignominie. En commémorant cette histoire, la France montre la voie. C'est son honneur, sa grandeur et sa force.

Jacques Chirac, président de la République française.


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30 janvier 2006

24 - Voyager sans armure

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Lundi 30 Janvier 2006

Dans ma jeunesse, j’ai voyagé et ai vécu à l’étranger, principalement au Cameroun. Cette expérience, outre la découverte d’autres contrées et d’autres cultures, m’a surtout aidé à mieux me connaître. Le voyage physique s’est-il peu a peu transformé en ballade critique à l’intérieur de ce jeune homme que je connaissais finalement si peu : moi.
Le récent désir de voyage de la jeune Gladys a engendré en moi cette réflexion et m’a amené à regarder cette expérience d'un oeil nouveau.

Ainsi, je me rends compte que plus on se dépayse, plus on se confronte à une certaine différence et plus il est nécessaire de se connaître. En d’autres termes, je dirais que notre armure voyage très mal. Elle est loin d’être portable. C’est ici une opportunité extraordinaire de se débarrasser de tout le superflu qui la compose. Plus on est jeune, moins elle est épaisse et donc plus l’opération est aisée. Sa décomposition a pour effet de nous exposer sans protection, tels que nous sommes vraiment. Les autres nous perçoivent-ils ainsi bien mieux que nos interlocuteurs habituels. J’ai longtemps eu l’illusion que les Africains étaient dotés d’une sorte de sixième sens ou même d’une psychologie très affutée qui leur permettait de percer les âmes très rapidement. Il n’en est rien. Tout venait de moi, de mon âme qui se libérait de son armure. Tout en permettant aux autres de cerner mon être véritable, cette expérience m’a surtout permis de me connaître beaucoup plus vite que je n’aurais pu le faire sans voyager. C’est ici tout l’effet bénéfique du voyage.

Je tiens quand même à avertir Gladys et tous les jeunes qui, comme elle, veulent tenter cette expérience extraordinaire. Il y a une tentation de renforcement de l’armure au lieu d’ouverture. Cela s’appelle le communautarisme. C’est un réflexe d’autoprotection et les Français expatriés n’en sont pas dépourvus. J’ai connu a Yaoundé le “club France” ou se réunissaient une forte majorité de Français qui, entre eux, passaient tous leurs loisirs a fuir la société dans laquelle ils avaient choisi de travailler. J’appelais ce lieu le “club de médisance”. Il aurait certainement inspiré notre cher Molière. Alors s’il vous plait, fuyez ces gens qui, comme l’avait mentionné Isabelle, vous diront "si tu n'es pas raciste, tu le deviendras, et si tu l'es, tu le seras encore plus". C'est peut être pour eux qu'il faut se construire une nouvelle armure (bien plus légère et ciblée) afin de se protéger de la tentation qu'ils représentent.

Voyager, c’est choisir la liberté de s’alléger de son armure et de s’envoler vers soi.


Titophe
Non mais il a fumé quoi Titophe aujourd'hui?


Cet article a été repris et publié dans le numéro 92 de Décembre 2006 de la revue ASTROLAB, Revue du Club International de Grands Voyageurs.
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25 janvier 2006

23 - Enfin!

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Mercredi 25 Janvier 2006

Enfin! Serais-je enfin démenti? Mon article consacré au Tabou des medias serait-il devenu obsolète? Je l'espère de tout coeur.

Thema : Y a-t-il une question noire?
Hier soir Mardi 24 Janvier, Arte a consacré son excellente émission Thema au sujet de la question noire.


La France doit-elle avoir honte de son passé colonial?
Demain Jeudi 26 Janvier, Arlette Chabot brise enfin le tabou sur une grande chaine publique, France 2:


Ah! Si ceci n'était qu'un début, quel bonheur! Les medias et la télévision en particulier, si aptes à lobotomiser les masses ont aussi acquis la capacité de propager très rapidement de nouvelles mentalités, de faire changer l'opinion. Lorsque ceci devient honnête et citoyen, c'est un progrès considérable.

Finalement, je me demande si ce fameux article 4, par le débat qu'il a engendré, n'est pas une des actions les plus "positives" de ce gouvernement. Ce n'était certainement pas l'intention première, mais bon, on ne va tout de même pas s'en plaindre...

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23 janvier 2006

22 - Papa, Maman, je vais me marier!

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Lundi 23 janvier 2006

“Je ne suis pas raciste” est une phrase bien connue et bien sympathique. Il n’empêche, le dire est une chose que certaines situations démentent en quelques secondes.

La situation que je souhaite évoquer aujourd’hui est celle du fils ou de la fille qui annonce à ses parents son intension de convoler. Jusque la, rien de très original. La chose se complique quand le futur conjoint se trouve être “différent”, c'est-à-dire noir pour nous limiter a un cas d’école.

La réaction parentale dans cette situation se radicalise subitement. Il est très fréquent de voir père et mère prendre a part le rejeton rebelle pour le conseiller “pour son bien”, en lui expliquant que le problème n’est pas la couleur mais plutôt tous les ennuis qui vont indiscutablement l’accompagner.
Une petite note positive tout de même afin de préciser que lorsque l’enfant turbulent persiste et signe, ses géniteurs se trouvent bien obligés de faire plus ample connaissance avec celui ou celle qui s’invite ainsi dans une généalogie sans heurts jusque la. Cette prise de connaissance amène presque dans tous les cas une obsolescence rapide des craintes et pseudo-conseils un peu rapides du début.


Qui peut dire que sa première réaction sera totalement indifférente a la couleur du futur conjoint de son enfant ? Je persiste à dire que 90% de mes compatriotes blancs correspondent au sujet de ce billet. Si le chiffre choque, tant mieux.
Que penser de l’état d’esprit des jeunes noirs, garçons et filles, qui le savent aussi très bien ? Etre le gendre (ou la brue) idéal n’est pas une ambition en soi, n’en déplaise à Michel Drucker. Mais être le gendre ou la brue indésirable pour 90% d’une population est-il digne du pays des droits de l’homme ? Ce n’est pas avec plus de flics ou avec du “testing” que l’on répondra correctement à cette question.


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11 janvier 2006

21 - De la dignité et de l’indignation

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Mercredi 11 janvier 2006

Dignité et bien-être sont-ils liés? Peut-on se réaliser sans rester digne? La dignité n’est-elle pas le jugement que l’on a de soi-même? Quelle influence a le regard des autres sur notre dignité? La dignité n’est-elle pas le meilleur garant de la citoyenneté et du civisme?

Telles sont les questions que je me pose lorsqu’il est question de racisme. La dignité est certainement ce qui permet à chacun de supporter le mépris. Attention, je ne confonds pas fierté et dignité. La fierté est à mon sens un sentiment qui compare l’individu aux autres, et est à ce titre un des moteurs du rejet et entre autres du racisme. La dignité est relative à l’opinion ou au jugement de soi. C’est pourquoi le jugement des autres, lorsqu’il atteint notre dignité, est si douloureux.

Cela peut arriver lorsqu’on a eu un comportement indigne. Dans ce cas, après l’avoir réalisé, on peut se corriger et ainsi retrouver sa dignité.
Cela arrive aussi malheureusement pour des raisons indépendantes de notre libre arbitre. Ne pas correspondre à certains critères existentiels peut en effet donner lieu à une remise en cause de notre dignité. Ainsi, on pourra parler de certains canons de beauté qui affectent des personnes trop grandes, trop grosses, pas assez bronzées, trop bronzées, trop frisées, etc… On en arrive à un sentiment de complexe qui est quelque part une perte de sa dignité, de son assurance.

Le sentiment d’appartenance à un groupe est facteur d’assurance et donc renforce notre opinion propre. Notre dignité, même objectivement non liée aux autres, est renforcée lorsque nous nous reconnaissons dans le groupe auquel nous appartenons. Les liens communs entre les individus du groupe nous permettent d’avoir un peu de nous-même chez les autres individus du groupe et donc de considérer le groupe comme un miroir d’une part de soi. Cette estime de soi est donc liée au sentiment d’appartenance.

Se sentir exclu pour des raisons diverses est un facteur d’affaiblissement de l’estime de soi. Un caractère solide pourra certainement compenser cette exclusion et conserver sa dignité. Néanmoins, chaque individu n’est pas obligatoirement doté d’un tel caractère. Le rôle du groupe est aussi d’accompagner les plus faibles. Ainsi, les repères communs au sein d’un groupe sont-ils facteur de frustration pour les minorités qui ne les partagent pas. Un exemple est l’histoire et l’image qu’elle donne des individus en fonction de leur appartenance ethnique. Présenter l’histoire de France comme la narration des seuls faits s’étant déroulés sur le territoire métropolitain ou mettant en scène uniquement des personnages issus d’un seul groupe ethnique, valorisant pour certains groupes et humiliant pour d’autres, a un effet d’exclusion sur ceux que l’on dit Français mais qui ne peuvent se reconnaître dans ce passé qui n’est pas le leur.

Les réactions peuvent être diverses:
Perdre sa dignité amène fatalement à s’autoriser des comportements amplificateurs de cette exclusion. En effet, dès lors que l’on s’accepte comme indigne, tout devient permis. Cette perte s’identifie à un renoncement. La dignité perdue, le civisme est affaibli et les dérives comportementales trouvent un terrain propice à leur développement..
A contrario, s’indigner est un réflexe de sauvegarde de sa dignité. L’indignation est finalement une affirmation de soi et une défense de la place à laquelle chacun a droit dans le groupe. L’indignation, pour atteindre l’objectif de renforcement de la cohésion du groupe, ne doit pas dépasser le seuil qui exclu d’autres individus à leur tour. Ainsi, affirmer haut et fort sa place dans l’histoire ne doit pas amener à culpabiliser ceux qui ont déjà la leur. De façon complémentaire, accepter de se regarder différemment pour rendre à l’autre sa dignité ne signifie pas de perdre la sienne. Cet équilibre fragile entre deux formes d’exclusion est celui qui permet à chacun de garder sa dignité…




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10 janvier 2006

20 - J’ai lu… Le Crime de Napoléon

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Mardi 10 janvier 2006

«Le Crime de Napoléon» de Claude Ribbe, éditions Privé.

Je ne suis pas assez qualifié pour critiquer le contenu historique de ce livre. Je vais uniquement faire part de mes impressions en essayant de me limiter à quelques points qui m’ont interpellé.

Ai-je appris quelque chose ?
Oui, c’est incontestable. L’auteur est un historien et narre des faits que j’ignorais. Il traite de la période ou Napoléon n’était que premier consul et durant laquelle il a rétabli l’esclavage (a partir de 1802) qui avait été aboli par la convention le 4 février 1794. Il faudra attendre 1848 pour la seconde abolition. On découvre le personnage de Toussaint Louverture, son apogée puis sa déportation et sa mort en métropole. On découvre aussi les raisons et les drames de la naissance de l’Etat d’Haïti ainsi que l’implication de personnages dont les noms sont familiers comme Rochambeau. Et finalement, on apprend comment tout un système a été mis en place pour reprendre par la force une liberté si récente. Les moyens utilisés vont jusqu'à l’extermination de ceux qui refusent de céder, en utilisant certains outils permettant le « meurtre à la chaîne » comme le gazage, les chiens (3000 ont été spécialement nourris uniquement de chair humaine), etc...
Quelques chiffres :
- 250 000 personnes retrouvent le statut d’esclaves
- 100 000 personnes sont tuées
- 200 000 africains sont importes aux Antilles et portent ainsi le nombre d’esclaves a 450 000
- 1 000 000 meurent durant le voyage (1 sur 5 seulement arrivait a bon port)

Le « ton » de l’ouvrage :
Il s’agit d’un pamphlet. Le ton semble volontairement provocateur et le style est très subjectif. Les qualificatifs et les comparaisons utilisés reflètent du militantisme de leur auteur, qui dénote assez avec l’objectivité que l’on attend d’une œuvre d’historien. Je pense qu’il faut en être averti afin de ne pas abandonner la lecture dès les premières pages. Le personnage de Napoléon est catalogué d’entrée et est ensuite appelé par divers qualificatifs qui demanderont à ses admirateurs une bonne dose d’abnégation.

L’architecture du livre :
Le récit n’est pas totalement chronologique et plusieurs aller et retour dans le temps demandent une bonne agilité intellectuelle. J’avoue avoir du relire certains passages pour ne pas être complètement perdu. On se demande si le récit des faits est vraiment l’objectif premier de ce livre. Il semble plutôt que la trame soit la démonstration du racisme de Napoléon et de son influence sur des dictatures ultérieures… Ainsi, les faits distribués dans le désordre dans le temps ne seraient cités que pour enrober la dite démonstration.

Mes impressions :
Je trouve l’auteur trop agressif, ce livre juge l’histoire plutôt que de la dire. Il donne très peu de liberté au lecteur pour se faire son propre jugement. Je ne suis pas un admirateur de Napoléon, loin de la, aussi je suppose que la lecture sera encore plus difficile pour d’autres. De plus, certaines affirmations comme le lien d’inspiration entre Napoléon et Hitler peut se retourner contre les objectifs de l’auteur. Il me semble inutile de choquer et d’un point de vue de la communication, je trouve cela maladroit. C’est dommage car l’érudition de Claude Ribbe est précieuse dans le travail de mémoire qui reste à faire.

A lire ?
Oui, mais a condition d’être prêt à ne pas partager tout ou partie des opinions de l’auteur. Passer ce cap permet d’apprendre une page de l’histoire que l’on occulte a l’école. L’histoire des Français leur appartient, il leur appartient de la connaître.

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07 janvier 2006

19 - Pourquoi?

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Samedi 7 janvier 2006

Lorsque j’étais au collège, je me souviens de la diffusion, aux “dossiers de l’écran” de la série sur l'Holocauste tirée du roman “Au nom de tous les miens” de Martin Gray. Mon père m’avait très inhabituellement permis de veiller afin de pouvoir regarder cette suite de films remarquable, car il considérait (et considère toujours) qu’il était essentiel que les jeunes gens de mon époque connaissent cette période afin de ne jamais la reproduire. Je me souviens avoir été marqué par la dureté des images proposées, reflétant hélas une réalité que nul ne doit ignorer.
Nos professeurs d’histoire et de français avaient bien entendu rebondi sur cette diffusion et avaient adapté leurs cours afin de poursuivre en classe les inévitables discussions relatives à un sujet aussi grave.

J’avais entre 12 et 13 ans. J’ai compris par cet événement l’importance du “devoir de mémoire” et de la connaissance de l’histoire lorsque l’on veut bâtir un avenir meilleur. Au lycée, quelques années plus tard, nous avions dans notre classe de terminale des élèves de confession juive et j’ai pu mesurer a quel point leur communauté restait marquée par la Shoah, et combien était important pour eux le programme du cours d’histoire sur cette période.

Encore plus tard, j’ai découvert l’Afrique et ai été très surpris de constater combien est encore présente là-bas la mémoire de la période coloniale, période dont j’ignorais à peu près tout. De nombreuses personnes m’ont raconté des anecdotes qu’elles avaient vécues et j’ai été choqué par la violence et par l’inhumanité de certaines scènes. Bien entendu, je ne suis pas historien et ne peux que me baser sur ce que l’on m’a relaté.

Il n’empêche, je me mets à la place de jeunes français d’origine africaine qui suivent les mêmes programmes d’histoire et qui constatent donc la place que nous réservons au remarquable travail de mémoire concernant le martyr du peuple juif. Ils doivent ressentir un sentiment d’injustice en réalisant que le martyr de leurs ancêtres est lui passé sous silence. Pourtant, nous parlons de la même époque (milieu du XXeme siècle).

Je mets tout de suite en garde le lecteur. Je ne partage pas les propos de Dieudonné. Je considère au contraire que le travail fait sur la Shoah est absolument nécessaire. Pour la même raison, je considère que le même travail devrait être fait sur les périodes esclavagistes et coloniales.

Mes détracteurs rétorqueront qu’il vaut mieux se tourner vers l’avenir au lieu de victimiser la communauté africaine. Alors je leur pose une question simple : que pensent-ils du travail de mémoire autours de la Shoah? Pensent-ils aussi qu’il ne fait que victimiser le peuple juif? Pourquoi cette différence?

Je ne souhaite pas opposer deux malheurs. Je souhaite partager avec le lecteur mes interrogations tout en l’assurant que je suis plus que sensible au drame de la Shoah.

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06 janvier 2006

18 - Métisse!

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Vendredi 6 janvier 2006

Une note un peu plus légère aujourd’hui.

Pour Noël, ma fille cadette a reçu le dernier disque de Yannick Noah dont le titre phare est la chanson “Métis”. Hier soir, lors du cérémonial du coucher (5mn de masque aérosol pour son asthme, brosse a dents, suivi de la traditionnelle petite histoire, bref 20mn au minimum, tous les papas connaissent cela) elle a absolument voulu commencer par me faire écouter cette chanson qu’elle connaît déjà par cœur a force de la passer en boucle.
En la regardant chanter par-dessus la voix de Yannick “♪Je suis métisse, mélange de couleurs, […]♪” je n’ai pu m’empêcher de constater son réel plaisir a faire siennes les paroles de cette chanson. Car effectivement, elle a la une justification évidente à se l’approprier, ma petite métisse chérie.

Les métisses sont appelés les “ni-blancs ni-noirs” au Cameroun ou nombre d’expressions ainsi imagées jalonnent le langage (*). Cette dernière illustre très bien le difficile positionnement identitaire des métis qui sont pris entre deux blocs que nos armures ont créés. Ils sont souvent “noirs” en Europe et “blancs” en Afrique, c'est-à-dire qu’on ne les considère chez eux nulle part.

Aussi, je voulais par ce petit billet remercier Yannick Noah car par ses paroles légères il donne soudain une identité a celles et ceux qui sont le fruit de l’amour simple. Je ne résiste pas à terminer ce billet en donnant la version intégrale des paroles de la chanson.





♪[Choeurs]:
Je suis métis, un mélange de couleurs oh oh
Oh métis, je viens d'ici et d'ailleurs


[Yannick Noah]:
Marcher pieds-nus dans la ville, en sandales dans la jungle
Tu sais le mélange est facile, il suffit d'être simple
Je suis une éclipse, une rencontre insolite,
Je suis fier d'être métis, j'ai la chance de choisir

[Choeurs]:
Je suis métis, un mélange de couleurs oh oh
Oh métis, qui viens d'ici et d'ailleurs
Je suis métis, un mélange de couleurs oh oh
Oh métis, je viens d'ici et d'ailleurs oh oh

[Yannick Noah]:
Si parfois je me perds au milieu des deux rives
Si j'ai besoin de repères, mes racines me guident
Un sentiment basique, un élan, une chance
Une si belle mosaïque et dans mon coeur ça danse

[Disiz]:
Je suis la preuve vivante que tous les humains sont les mêmes
Je suis l'enfant d'Adam et Eve
Je suis un rêve comme Ismaël en Israël
Renie ta haine et fais sourire les anges
Mélange le Gange et la Tamise
Métis des Indes et du Brésil
On est métis comme Sade, Bob Marley
Tu peux te marrer ou bien te barrer
On peut en parler
Multicolores, anti-connards et tous mes colocataires
Caracolent en tête pour des idées
D'un monde plus métissé

[Choeurs]:
Métis, un mélange de couleurs oh oh
Oh métis, qui vient d'ici et d'ailleurs oh oh
Je suis métis, un mélange de couleurs oh oh
Oh métis, qui viens d'ici et d'ailleurs oh oh

[Y]: Je suis métis
[D]: Deux êtres différents qui se mélangent et ne font qu'un
[Y]: Je suis métis
[D]: Deux cultures, deux passés qui se rassemblent et ne font qu'un
[Y]: Je suis métis
[D]: Deux façons de penser qui se rassemblent pour ne faire qu'un
[Y]: Je suis métis
[D]: Pas besoin de voyager pour dire que je viens de loin

[Choeurs]:
Na na na na na na na na na oh oh
Na na na na na na na na na oh oh
Métis
Na na na na na na na na na oh oh
Oh métis na na na na na na na na na oh oh
Je suis métis, un mélange de couleurs oh oh
Oh métis, qui viens d'ici et d'ailleurs oh oh
Je suis métis, un mélange de couleurs oh oh
Oh métis, qui viens d'ici et d'ailleurs oh oh
Je suis métis, un mélange de couleurs oh oh
Oh métis, qui viens d'ici et d'ailleurs oh oh


(*)On peut citer :
- Les longs crayons = les étudiants
- Les cochons grattés = les blancs
- Ca fait depuis depuis = il y a longtemps
- Les mange mille = les policiers (1000 FCFA = 1.5 €)



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04 janvier 2006

17 - Ce que vous ne dites pas…

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Mercredi 4 janvier 2006

“Ce qui me dérange, ce n’est pas ce que vous dites, c’est ce que vous ne dites pas…”

En 2005, je me suis fixé comme objectif d’utiliser la facilité du “blog” pour contribuer, a ma petite échelle, à changer l’image que renvoient à ma femme et à mes filles chéries la plupart des personnes de notre société française, parce qu’elles ne sont pas blanches de peau.
J’ai choisi de comprendre les mécanismes de pensée qui amènent cette population à leur renvoyer une telle image, la plupart du temps plutôt négative, et par conséquent dévalorisante et facteur de difficultés supplémentaires dont elles n’ont pas besoin.

Par une démarche assez analytique, je m’efforce de décortiquer certains comportements et surtout certains mécanismes de société qui héritent directement d’une histoire déformée car profondément culpabilisante. Grâce au principe du blog, j’essaye de valider chaque étape en essayant de comprendre les réactions des divers lecteurs, leurs motivations, leurs peurs et aussi de mettre en avant leur générosité.

J’avoue que ces réactions sont un moteur très puissant pour continuer ce travail et j’en remercie tous ceux qui ont ou qui vont continuer à participer aux différentes discussions sur le sujet. J’avoue aussi que je suis parfois assez désappointé par certaines réactions qui remettent directement en cause ma façon de communiquer.
Je vais aujourd’hui me focaliser sur la phrase que j’ai citée au tout début de ce billet : “Ce qui me dérange, ce n’est pas ce que vous dites, c’est ce que vous ne dites pas…”
Il m’est effectivement reproché d’avoir un discours plutôt déséquilibré et partisan, occultant une certaine réalité relative aux différentes formes d’incivilités dans les “banlieues” et dont les medias nous abreuvent a longueur de journaux télévisés.

Je vais avant tout faire une petite mise au point : J’ai vécu dans un pays de non droit suffisamment longtemps pour apprécier comme il se doit de vivre en France, pays de droit indiscutablement. Ainsi, loin de moi l’idée de défendre quelque forme d’incivilité que ce soit, ce serait tout bonnement idiot. Il est bien entendu que je ne cherche absolument pas non plus à encourager ces comportements. Je les condamne comme tous les autres citoyens honnêtes de ce pays.

Il n’empêche, je suis assez blessé de voir qu’après un certain nombre de billets tous focalisés sur le racisme et surtout, je le reconnais, sur celui subi par la communauté noire de notre pays, il faille forcement faire un lien entre cette communauté et une certaine délinquance. Pourtant, tous mes efforts visent à montrer qu’il n’y a aucun lien entre la couleur de la peau et certaines valeurs morales. Ainsi, la délinquance dont il est question derrière ces réactions n’a absolument rien à faire avec ce blog. C’est tout simplement hors sujet.
Je me mets à la place de mes proches, femme et filles, qui vivent dans une certaine bourgeoisie et qui doivent pourtant continuellement être associées à la communauté banlieusarde totalement étrangère à leur environnement uniquement parce qu’elles ne sont pas blanches.

Alors moi aussi, je trouve très dérangeant ce que l’on ne dit pas.
C’est justement une part importante de mon combat. Ce que l’on ne dit pas, c’est que notre histoire n’est pas uniquement une suite de glorieux évènements, mais aussi une succession de périodes plus sombres qui ont pu se produire grâce à l’instauration d’une certaine “opinion publique” basée essentiellement sur le racisme. Cela a commencé par l’esclavage, période il est vrai lointaine à l’échelle de la vie humaine, mais cela a ensuite continué avec la période coloniale beaucoup plus proche de nous puisque nombre de ceux qui l’ont vécue sont encore parmi nous. Pour que l’opinion accepte cette réalité dans la France de l’après guerre, il a bien fallu qu’une certaine forme de racisme soit partagée par le plus grand nombre. Cette période est aujourd’hui révolue, mais le racisme qui l’accompagnait a survécu. Ainsi, dire “ce que l’histoire ne dit pas” c’est aussi s’interroger sur “pourquoi l’histoire ne le dit pas”.

Le lien entre notre histoire occultée et le racisme latent qui lui a survécu est un facteur de frustration très important pour certaines personnes issues des communautés qui ont subi ces périodes. Grandir avec une telle frustration est certainement une des causes de certaines déviations comportementales, d’un certain communautarisme et donc d’une certaine division de notre société. Ce n’est pas la seule, bien évidemment. La pauvreté, le manque de diversité sont aussi des facteurs importants. Mais j’ai choisi de cibler le sujet sur un facteur, le racisme hérité de notre histoire coloniale. Prendre conscience de ce phénomène est nécessaire, car cela permet ensuite de changer un certain regard sur des populations très nombreuses qui font partie de notre société et qui ne peuvent y participer pleinement que si elles sont reconnues comme membres à part entière de la communauté nationale. Pour cela, elles ont droit aussi à avoir leur place dans l’histoire de notre pays.



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03 janvier 2006

Bonne et heureuse année 2006

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Mardi 3 Janvier 2006

Et voila, les vacances sont terminées. Je veux souhaiter à tous ceux qui visitent ce blog une très bonne année 2006.

Après une interruption durant la traditionnelle trêve de fin d'année, il faut que je me remette vite à ré-écrire de nouveaux billets. J'avoue que je profite souvent de mes trajets maison-bureau en train pour passer quelques minutes à mettre par écrit mes pensées un peu confuses. J'espère reprendre le rithme au plus vite. Je dois auparavant prendre connaissance de vos commentaire durant la période écoulée.

Amicalement,


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