24 - Voyager sans armure
Lundi 30 Janvier 2006
Dans ma jeunesse, j’ai voyagé et ai vécu à l’étranger, principalement au Cameroun. Cette expérience, outre la découverte d’autres contrées et d’autres cultures, m’a surtout aidé à mieux me connaître. Le voyage physique s’est-il peu a peu transformé en ballade critique à l’intérieur de ce jeune homme que je connaissais finalement si peu : moi.
Le récent désir de voyage de la jeune Gladys a engendré en moi cette réflexion et m’a amené à regarder cette expérience d'un oeil nouveau.
Ainsi, je me rends compte que plus on se dépayse, plus on se confronte à une certaine différence et plus il est nécessaire de se connaître. En d’autres termes, je dirais que notre armure voyage très mal. Elle est loin d’être portable. C’est ici une opportunité extraordinaire de se débarrasser de tout le superflu qui la compose. Plus on est jeune, moins elle est épaisse et donc plus l’opération est aisée. Sa décomposition a pour effet de nous exposer sans protection, tels que nous sommes vraiment. Les autres nous perçoivent-ils ainsi bien mieux que nos interlocuteurs habituels. J’ai longtemps eu l’illusion que les Africains étaient dotés d’une sorte de sixième sens ou même d’une psychologie très affutée qui leur permettait de percer les âmes très rapidement. Il n’en est rien. Tout venait de moi, de mon âme qui se libérait de son armure. Tout en permettant aux autres de cerner mon être véritable, cette expérience m’a surtout permis de me connaître beaucoup plus vite que je n’aurais pu le faire sans voyager. C’est ici tout l’effet bénéfique du voyage.
Je tiens quand même à avertir Gladys et tous les jeunes qui, comme elle, veulent tenter cette expérience extraordinaire. Il y a une tentation de renforcement de l’armure au lieu d’ouverture. Cela s’appelle le communautarisme. C’est un réflexe d’autoprotection et les Français expatriés n’en sont pas dépourvus. J’ai connu a Yaoundé le “club France” ou se réunissaient une forte majorité de Français qui, entre eux, passaient tous leurs loisirs a fuir la société dans laquelle ils avaient choisi de travailler. J’appelais ce lieu le “club de médisance”. Il aurait certainement inspiré notre cher Molière. Alors s’il vous plait, fuyez ces gens qui, comme l’avait mentionné Isabelle, vous diront "si tu n'es pas raciste, tu le deviendras, et si tu l'es, tu le seras encore plus". C'est peut être pour eux qu'il faut se construire une nouvelle armure (bien plus légère et ciblée) afin de se protéger de la tentation qu'ils représentent.
Voyager, c’est choisir la liberté de s’alléger de son armure et de s’envoler vers soi.
Titophe
Non mais il a fumé quoi Titophe aujourd'hui?
Cet article a été repris et publié dans le numéro 92 de Décembre 2006 de la revue ASTROLAB, Revue du Club International de Grands Voyageurs.
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21 Comments:
Merci pour ce mot, mais (comme je ne suis pas comme tout le monde) je souhaite découvrir l'autre. Vraiment!
J'espère que je ne me replierai pas sur moi, mais toute seule, ça risque d'être difficile.
Mais bien sur! C'est justement en t'ouvrant aux autres que tu te decouvriras. J'espere que tu sauras en profiter au maximum.
Merci en tous cas pour ton encouragement au quotidien. je suis plus motivée que jamais et je sais que ce départ me fera le plus grand bien.
PS: Tu trouveras sur mon blog, l'intégralité du discours de Jacques chirac sur la célébration de la fin de l'esclavage et la question de la mémoire de l'esclavage.
Bonne soirée à toi et aux tiens.
Je ne crois pas avoir parlé de délire raciste et xénophobe! Titophe, je suis dérangée par le détournement de mes propos. J'ai dit avoir moi-même participé, à l'époque avec beaucoup de plaisir, à cette vie expatriée. Et que la dérive raciste est facile. Mais il ne s'agit pas de condamner en de tels termes les personnes qui sont dans l'exclusion de l'autre, en pratiquant la même chose, mais plutôt de les inviter, par notre comportement, à voir et à comprendre que l'on peut inclure plutôt qu'exclure.
Cela dit, je suis assez d'acccord avec l'ensemble de votre note.
Vous avez raison Isabelle. Je vous présente mes excuses. J'ai d'ailleurs modifié mon billet en conséquence.
Encore un mot: Faut-il fuir les gens dont vous parler ou au contraire les inclure, en leur montrant que l'on peut vivre autre chose????? ;-)
A 20 ans, a-t-on la maturité suffisante pour les fréquenter sans risque? J'opterais plutot pour la premiere solution.
Lorsque nos ados sont soumis à certaines tentations liées à leurs fréquentations, notre réflexe est de les en éloigner plus que de les encourager à les affronter.
Pour revenir à ces expatriés, l'image qui me reste en tête est ces femmes chargées de "l'accueil" au consulat de France de Yaoundé. Leur comportement et leur mépris sont une véritable honte. Il faut un vrai talent de leadership et beaucoup de charisme pour se risquer à leur montrer quoi que ce soit. Est-on prêt à cela lorsque l'on a 20 ans? Je ne l'étais pas en ce qui me concerne.
Je suis d'accord, les voyages nous aident à nous comprendre. Et je pense aussi à comprendre les autres, et donc à être plus tolérants.
Tous les peuples, même les plus défavorisés, les plus reculés, les plus lointains, les plus différents de nous,.... ont quelque chose à nous apprendre.
J'aime voyager. Surtout voyager "dans" et parmi les "autochtones". Parce que si c'est pour fréquenter des gens de sa propre culture et de son propre groupe, autant rester chez soi.
J'ai habité en France pendant 6 ans. Dont 3 à Paris. Cela m'a permis de connaitre des gens de cultures différentes. Cela a été très enrichissant pour moi.
Bonjour Titophe,
Bravo pour cet article voyageur
Avec ta persmission je vais le reproduire sous ta plume dans notre revue ASTROLABE du CIGV
www.cigv.com
@+++
Massir, merci pour ta visite!
Rached, pas de problème, mais à mon avis il te faudra faire quelques ajustements car le concept d'armure que j'utilise risque de paraitre un peu esoterique a tes lecteurs ;-)
Fais moi signe lorsque tu l'aura publié!
@micalement
Titophe
Bonjour ! Je découvre ton blog aujourd'hui... je viens de chez Rached...
Ton article m'interpelle parce qu'il résonne en moi et je te suis à 100% dans ce que tu as écris !!!
Je commence seulement à voyager... je découvre, j'apprends... et finalement beaucoup sur moi aussi... contrairement à ce qu'on pourrait penser à priori quand on imagine l'aventure des voyages !
Je repasserai sur ton blog ! A bientôt !
Bonjour Zézette et bienvenue! J'espere t'accueillir encore souvent sur ce blog qui a un constant besoin de critiques, de contradictions et de propositions constructives. Bref, c'est un lieu d'echanges sur lequel tu as toute ta place!
Depuis que je suis de retour à Abidjan, j'ai remarqué une chose qui ne m'avait pourtant pas du tout frappée lorsque j'y vivais.
Il s'agit de "blancs" franco-ivoiriens qui vivent en CI soit depuis toujours soient depuis 2 voire 3 générations et qui parlent français sans le moindre accent ivoirien. J'en ai déduis que ces personnes ne s'étaient jamais réellement mis en contact avec la société dans laquelle il vivait.
J'avoue ne pas comprendre car personnellement après plus de 5 années passées à NYC mon accent est tout autre et l'on refuse de me croire quand je dis que je suis ivoirienne.
Isabelle (je suppose que c'est toi), donnes ton prenom en cliquant sur "other", autrement il est difficile de deviner qui parle.
Ce que tu dis sur les accents est interessant. En effet, les antillais blanc (les békés?) n'ont pas le même accent que les noirs. Etrange, non? Mais encore plus près, le developpement d'un nouvel accent dit "de banlieue" n'est-il pas lui aussi le signe d'une fracture profonde?
J'avoue n'avoir jamais vraiment réfléchi à ces histoires d'accent.
Bizarrement c'est mon mari qui m'a un jour fait remarquer que mon parlé changeait selon les gens à qui je m'adressais. Par exemple, d'après lui, je suis plus spontanée et les expressions et accents africains reviennent quand je me m'adresse à un compatriote, plus posé et distant que je parle à des français etc. Pour lui cela est la preuve que j'ai parfaitement bien assimilée ma double culture et que je sais inconsciemment les relations que je peux me permettre d'établir avec les uns et les autres.
C'est grave docteur?
Je voudrais quand même rajouter par rapport à ton texte qu'il y a une chose fondamentale que les français d'afrique oublient un peu trop vite à mon goût. C'est dans ces pays qu'ils ont la belle villa avec piscine, le boy ou la bonne, le chauffeur, les WE à la plage etc tout en se permettant de critiquer que rien ne fonctionne. Il serait bien qu'ils sachent qu'en vivant en France ils n'auraient certainement pas accès à cette qualité de vie.
D'ailleurs je dois t'avouer que lors des évenements de novembre 2004 à Abidjan, autant j'étais triste pour les blancs qui aiment vraiment le pays et participent à son développement autant je me fichais pas mal de ce qui pouvait arriver à un certain nombre de gros cons de barbouzes et de petites frappes.
A mon avis, c'est tout à fait normal. Vois-tu, lorsque je vivais au Cameroun, des circonstances pariculières m'ont amené à fréquenter Zachari Noah, le père de Yannick. Sa soeur vivait encore à Yaoundé et je me souviens qu'elle faisait exactement comme toi. Elle me parlait avec un accent purement parisien alors qu'elle s'adressait à son père avec un accent Ewondo à couper au couteau! Donc je dirais: Sé pa grave!
...Le fameux "club de médisance" Isa, effectivement
Titophe,
ta note trouve parfaitement echo en moi.
Tout d'abord parce qu'elle raconte bien ce que je vis actuellement a Londres, a tenter de m'integrer dans ce nouveau pays. Et ou je me rends compe qu'en fait, avant de m'integrer, il me faut mieux me connaitre. Ce qui n'est pas si facile.
Mon armure est bien plus lourde que je ne le pensais. Etonnament, ce qui me pose le plus de probleme actuellement, ce n'est pas d'accepter les differences a Londres.
C'est plutot que je n'arrive pas encore a me faire a l'idee que je deviens une expatriee, que pour diverses raisons j'ai choisi de ne plus vivre en France et que je ne sais meme pas si je vais m'y reinstaller un jour.
C'est assez perturbant de partir sans savoir si on va revenir.
Concernant les communautes francaises, je dois avouer que j'ai tendance a les eviter. Mais la encore, ce n'est pas si aise.
En effet, il y a un aspect que tu n'abordes pas dans ta note, c'est la difficulte qu'on peut avoir a rencontrer des personnes autres que francaises.
Lorsque l'on est etudiant, l'effet groupe marche encore. Mais au boulot, la geometrie est bien plus variable, et il peut etre difficile de voir du monde en dehors.
Cela prend du temps. Et je comprends qu'on ait envie de se reconstituer une famille plus facilement en se tournant vers un groupe deja constitue, comme la (ou les) communaute(s) de Francais.
Mariam, je n'étais pas étudiant au Cameroun, je travaillais aussi. S'ouvrir n'est effectivement pas si facile et le repli communautaire représente un confort évident. Comme on dit, il faut savoir se mettre des coup de pieds ou je pense pour ne pas succomber à cette tentation, mais jamais je ne le regretterai.
Lorsque je parlais des etudiants, je pensais plutot au fait aux personnes que je connais a Londres et qui y sont venues pour faire leurs etudes.
J'ai pu remarquer que pour elle il avait ete plus facile de rencontrer du monde et de se faire une "bande d'amis"
Mais comme vous dites, le tout c'est de se donner l'energie de depasser la facilite.
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