172 – Déni et incohérence
Lundi 24 novembre 2008
Une réflexion m’est venue en reprenant dans le billet précédent la citation de Boris Cyrulnik : «Le déni, qu'il soit mental ou physique, est un mécanisme de défense qui permet de moins souffrir en s'adaptant à un réel incohérent.»
Je pense que le déni est généralisé et banalisé lorsqu’il s’agit de racisme dans notre société. Mais notre réel est-il incohérent au point qu’il faille ce déni pour s’y adapter?
C’est l’axe de réflexion qui m’amène à la rédaction de ce billet. Je résumerais cette incohérence par la formule suivante :
«SVP, continuez à être pauvres pour assurer notre opulence !»

Comment, en effet, même avec les revenus les plus faibles de notre monde occidental, avons-nous encore un pouvoir d’achat des dizaines, des centaines, voir des milliers de fois plus élevé que dans le reste du monde ?
N’est-ce pas parce qu’un occidental considère normal et légitime de pouvoir acquérir des biens et services nécessitant des dizaines d’hommes (ou femmes ou enfants) pour les produire dans un même laps de temps ?
Que se passerait-il si les revenus s’équilibraient et devenaient équivalents quelque soit l’endroit du monde ? Tout simplement une augmentation explosive des prix des produits manufacturés ! Ainsi, seule la pauvreté de 85% des populations terrestres permet l’opulence des 15% restant. Cette pauvreté est une nécessité vitale !
Pourtant, ces 15% restant sont aussi les plus actifs lorsqu’il s’agit de véhiculer des valeurs morales et humanistes, lorsqu’il s’agit d’émettre des jugements hâtifs sur les raisons de lointaines pauvretés, lorsqu’il s’agit de s’apitoyer sur la violence et l’indécence de la misère humaine.
Voilà l’incohérence : Comment accepter ce déséquilibre criant tout en ne reniant pas ces valeurs « humanistes » ? Seul le déni peut permettre ce tour de force. Le déni de quoi ? Mais le déni que nous acceptons et sommes bien conscients de cette incohérence, le déni que nous en sommes les bénéficiaires (pour encore un certain temps du moins), le déni que nous considérons l’humanité comme hétérogène et hiérarchisée, le déni que nous considérons normal d’être au sommet de cette hiérarchie. Cette certitude de normalité se heurte aux transformations internes de l’occident de plus en plus diversifié, cette normalité c’est le racisme qui perdure comme un réflexe de survie d’une société devenue folle.
Alors oui, on comprend un peu mieux cette haine que nous engendrons.
Titophe
Revenir à la page principale --- Sommaire de tous les billets
Libellés : afrique, coup de gueule, geo-politique, pauvreté, postcolonialisme, réflexion