146 - « Le Tabou » : C’est quoi au juste?
Vendredi 25 janvier 2008

Ce blog s’intitulant « Racisme et Histoire : Le Tabou », il serait temps de s’intéresser d’un peu plus près au concept du « Tabou », jusqu’ici évoqué sans pour autant être développé.
De tous temps, les hommes se sont fabriqué des règles, parmi lesquelles trônent en bonne place des interdits. Ces derniers, de nature très variés, sont schématiquement explicites ou implicites.
Dans la catégorie des interdits explicites, nous pouvons citer ceux qui relèvent du cadre législatif ou des règles de bienséance (politesse, courtoisie, savoir-vivre). Leur nature explicite se décline sous la forme de textes (lois, règlements, etc…) ou de comportements liés au « vivre ensemble », partagés par une communauté culturelle ("on ne parle pas la bouche pleine, on met sa main devant sa bouche avant d’éternuer, …"). Dans tous les cas, ces interdits restent explicables et abordables en société. Ils ne renvoient pas les individus dans des retranchements intimes, ne sont pas sujets à rendre mal à l’aise. Au contraire, leur existence est du domaine du rationnel.
Les interdits implicites, quant à eux, sont de nature très variée. Souvent liés à une culture, ils touchent de plus près à l’intimité des hommes. La pudeur, par exemple, est à la frontière entre ces deux mondes. La sexualité reste souvent une thématique chargée d’interdits implicites. Ces interdits ont un point commun : ils associent un jugement aux individus. Il convient néanmoins de distinguer deux sous-catégories :
Certains n’ont de sens qu’en société ou, du moins, lorsque plusieurs individus sont en présence. Ces interdits sont avant tout des facteurs inhibiteurs, qui peuvent disparaître temporairement en circonstances désinhibitrices (alcool/drogue, effet de bande, libido, …). Il est intéressant de noter ici qu’Internet, par l’intermédiaire du blog ou des forums, est souvent un facteur désinhibiteur permettant de passer outre de nombreux interdits implicites. Il suffit de regarder la foison de sites à caractère pornographique ou les interventions sont totalement délirantes. Plus généralement, les interdits implicites de cette nature sont lies au jugement extrinsèque, c'est-à-dire au jugement porté par « les autres » à chaque individu.
Et voici enfin la seconde sous-catégorie, celle qui fait appel au jugement intrinsèque, c'est-à-dire au jugement que chaque individu se porte à lui-même. Nous sommes au cœur de l’intimité de chacun, car les interdits de cette nature restent valables même lorsque l’individu est seul. C’est ici que se trouvent « les tabous ». Certains exemples me venant à l’esprit sont souvent en lien direct avec des questions existentielles profondes :
- Comment envisager la mort de ses enfants ? Pensée Tabou !
- Comment imaginer la sexualité de ses propres parents ?
Dans chaque cas, le malaise est sous-jacent. On s’interdit de penser. L’inhibition est à son comble. Le tabou protège de l’insoutenable.
La culpabilité, dans ce domaine, a toute sa place. De nombreux exemples de personnes ayant un lien direct avec des faits fortement culpabilisants montrent qu’ils construisent un voile noir permettant d’occulter ces faits, de les effacer de leur mémoire. C’est le cas de criminels passionnels (infanticides, parricides) développant un dédoublement de personnalité pour pouvoir projeter ces faits à un « autre » imaginaire.
La culpabilité indirecte, héritée, est aussi un puissant générateur de « tabous ». Que dire des descendants de grands criminels nazis, de grands « serial killers » ? Nous touchons enfin au terme de ce billet. L’histoire des peuples est faite de gloires et de pages plus sombres. Nous en sommes tous les héritiers. Cet héritage est parfois une blessure ou au contraire une culpabilité implicite, devenant un sujet « tabou ». Sortir ces pages du domaine du tabou, c’est avant tout savoir adresser le facteur de la culpabilité avec délicatesse et humanité. C’est avant tout une question de communication. Sommes-nous prêts ? Je le crois, oui. Comment faire ? C’est une autre histoire.
Titophe
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C'est justement parce que je suis un ministre d'ouverture et que j'ai adhéré au discours de Nicolas Sarkozy sur l'Afrique que je souhaite que les choses changent. Or la rupture tarde à venir. Il y a encore trop de rentes de situation, trop d'intermédiaires sans utilité claire, trop de réseaux parallèles pour permettre un partenariat assaini, décomplexé, d'égal à égal. La "Françafrique" est moribonde. Je veux signer son acte de décès. Il ne s'agit pas de faire la morale, mais d'aider au développement. Or, à cause de défauts de gouvernance dans certains pays, notre politique de coopération, malgré de multiples réalisations, ne permet pas des progrès à la hauteur des efforts consentis.
Un exemple pourtant, porté par une figure incontournable du siècle dernier : Nelson Mandela. Dans une Afrique du Sud exsangue, à peine sortie du cauchemar de l’apartheid, des millions d’hommes et de femmes ont accepté de se prêter à l’exercice hautement improbable de la commission « vérité et réconciliation ». De quoi s’agit-il ? De briser un cercle infernal, de s’adresser justement au cœur des hommes plutôt qu’à leur instinct de vengeance. Quel défit ! Et quelle leçon pour le reste de l’humanité encore trop sourde et aveugle pour comprendre un tel message. Celui qui à lui seul symbolise toute la souffrance d’un peuple humilié et spolié, celui-même qui aurait pu, sans aucune retenue de la communauté internationale, organiser une chasse aux sorcières « méritée », celui-ci s’est élevé au-dessus des instincts pour atteindre un niveau d’humanité trop peu égalé. Il a ouvert le cercle.
Je vais essayer de faire un parallèle avec une scène de la vie courante, celle de l’accueil d’un visiteur dans un foyer. Derrière l’image d’Epinal, on retrouve la complexité et les inconforts liés à l’introduction d’un élément exogène dans un milieu ayant ses codes et ses règles qui lui sont propres. Pourtant, nous avons érigé le code de l’hospitalité, qui permet de surmonter cette complexité et ces inconforts. L’hospitalité est un ensemble de comportements et d’attitudes à la charge du recevant, c'est-à-dire du majoritaire. Le visiteur, par sa nature exogène, est fragilisé et l’effort d’ouverture nécessaire se retrouverait démultiplié. Ceci n’a d’ailleurs que peu de rapport avec l’état «d’instruction» du visiteur en question, bien que ce lien soit couramment et inconsciemment fait. Je me souviens, lorsque je vivais en Afrique, du communautarisme fort et du manque d’intégration flagrant de la population «blanche» dans la société d’accueil.
Dans le domaine du concept, je dirais qu’il s’agit de l’ensemble des comportements des populations endogènes participant au mécanisme «d’intégration». On aurait ainsi une intégration avec deux populations qui se transforment mutuellement au lieu de l’illusion qu’une population exogène puisse, comme par miracle, se fondre dans une société figée.



