Racisme et Histoire: Le Tabou

La société Francaise souffre d'amnésie. Elle se refuse à reconnaitre les périodes peu glorieuses de son histoire durant lesquelles l'esclavagisme et le colonialisme ont été justifiés par un racisme institutionnel. Ces périodes sont révolues, mais mal assumées, formant ainsi un bon terreau pour permettre au racisme institué à l'époque de survivre sous d'autres formes.

Vous êtes sur un lieu d'échange et de libre expression

Ma photo
Nom :

Marié a une femme noire depuis bientot 20 ans, père d'enfants metis, je suis de plus en plus inquiet face aux non-dits de notre société occidentale. Admettre et reconnaitre notre histoire dans ses composantes les moins glorieuses serait enfin admettre qu'etre Francais, ce n'est plus seulement etre un descendant des gaulois. Nous pourrions rendre leur dignité a celles et ceux qui se sentent exclus.

Le coin des compteurs
Visiteurs depuis le 17 novembre 2005:

14 janvier 2008

144 - Gagner la paix

Revenir à la page principale --- Sommaire de tous les billets
Lundi 14 janvier 2008

Le racisme est-il une graine de guerre ? N’est-ce pas en créant artificiellement une raison aux hommes de se détester que l’on construit la pire des monstruosités humaines : La guerre ?

Gagner une guerre est une question de moyens et de stratégie. Gagner une paix est un défi d’une toute autre dimension. Cela nécessite de gagner le cœur des hommes, car nulle paix n’est possible si persiste encore la haine et la détestation de l’autre.

En se retournant vers l’histoire, peu d’hommes et de femmes ont su gagner cette ultime bataille. Une bataille bien complexe ou ennemis et alliés se confondent dans un échiquier ou toutes les figures prennent soudain la même teinte, ou l’objectif lui-même se trouve biaisé, ou la règle change en cours de route.

Un exemple pourtant, porté par une figure incontournable du siècle dernier : Nelson Mandela. Dans une Afrique du Sud exsangue, à peine sortie du cauchemar de l’apartheid, des millions d’hommes et de femmes ont accepté de se prêter à l’exercice hautement improbable de la commission « vérité et réconciliation ». De quoi s’agit-il ? De briser un cercle infernal, de s’adresser justement au cœur des hommes plutôt qu’à leur instinct de vengeance. Quel défit ! Et quelle leçon pour le reste de l’humanité encore trop sourde et aveugle pour comprendre un tel message. Celui qui à lui seul symbolise toute la souffrance d’un peuple humilié et spolié, celui-même qui aurait pu, sans aucune retenue de la communauté internationale, organiser une chasse aux sorcières « méritée », celui-ci s’est élevé au-dessus des instincts pour atteindre un niveau d’humanité trop peu égalé. Il a ouvert le cercle.

J’entends déjà des voix critiques rétorquer que ce pays est le théâtre aujourd’hui d’une délinquance les plus fortes de la planète, que les différences de niveau de vie y sont encore vertigineuses. Bien entendu, comme disait Mitterrand, « il faut donner du temps au temps ». Mais que ces voix sachent que ce pays aurait pu disparaître tout simplement, que la situation présente est loin, très loin, de ce qu’elle aurait pu être si les actes avaient étés à la hauteur des souffrances et des frustrations. Ce pays existe encore, en cela c’est déjà un miracle. Le miracle de l’intelligence.

Notre société occidentale se fragmente, le communautarisme construit un puzzle ou chaque pièce se désolidarise peu à peu des autres et ou un « tout » devient de plus en plus une abstraction. Que ne nous interrogeons-nous pas sur la forme que pourrait prendre cette commission « vérité et réconciliation » chez nous ? Que ne prenons-nous pas la mesure de la chance qui est la notre de partir d’une situation mille fois plus enviable que celle des sud-africains au début des années 90 ?

Qu’ont-ils fait ? Contrairement au discours « anti-repentance » (mot que je déteste) d’esprits chagrins encombrés du terreau de la discorde, ils ont tout simplement DIT et RECONNU le passé, ils ont cristallisé celui-ci dans un socle immuable, pour que jamais le doute ne permette un recommencement. Ils ont ASSUME leur histoire. Mais ils ne l’ont pas fait dans une démarche manichéenne ou victimes et coupables se transforment en bourreaux punissant ceux qui doivent expier, mais en êtres humains ayant compris que chacun, pris dans la tourmente des circonstances, aurait pu être l’autre, que le hasard est le plus grand distributeur de rôles, qu’ils sont tous les victimes d’un casting infernal.

Nous pouvons, nous aussi, choisir une telle démarche. Sous une forme différente, cela va de soi, car les faits qui nous divisent sont ceux d’ancêtres auxquels nous devrons apprendre à nous identifier différemment. Mais cette démarche, quelle qu’en soit la forme, saura nous faire comprendre et réaliser combien nous sommes semblables derrière des différences qui sont précieuses.



Titophe


Revenir à la page principale --- Sommaire de tous les billets

4 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Bonjour Titophe,
En stage cet été, j'ai passé 10 jours avec une Sud-Africaine adorable, ouverte, fervente admiratrice de Mandela, "militante" de la paix et de l'amour. Et déchirée par le choix qu'elle et son mari s'apprête peut-être à faire: quitter leur pays, celui dans lequel ils sont nés, comme leurs parents, grands parents, etc, parce que la vie y est un danger permanent. Cambriolés plusieurs fois, attaqués au couteau, ils considèrent la vie de leurs enfants en danger... Je n'accuse pas, Titophe, je ne connais pas suffisamment la question pour prendre parti. Mais j'avoue avoir été très remuée par le témoignage de cette femme. A la fin du stage, elle pensait ne pas quitter finalement son pays, mais consciente des épreuves à venir...
:-)

14 janvier, 2008 12:08  
Blogger Titophe said...

Je comprends très bien ce que vous dites, Isabelle, et je ne le nie pas. Je me mets moi aussi, en tant que père, dans cette situation lorsqu'il est question pour nous de nous rendre au Cameroun, et mes appréhensions sont elles aussi fortes et anxiogènes. La situation là-bas s'est fortement détériorée et on ne peut que le constater tristement.
Ceci dit, mon propos dans ce billet est plutot de se dire: "Quelle serait la situation si Mandela n'avais pas proné cette réconciliation si improbable?"
J'ai la conviction que la situation serait bien pire. Seul le temps permettra de niveller les fractures vertigineuses qui existent encore dans cette société a multiples vitesses, ou se cotoient la société de sur-consommation occidentale et les modes de vie les plus pauvres. En attendant, le choc est inévitable.

14 janvier, 2008 12:50  
Anonymous Anonyme said...

N'est-ce pas plutôt une question de préserver la paix ? car au départ, les hommes ne se détestent pas. "Mélangez" des jeunes enfants blancs, noirs, jaunes dans une cour : s'ils n'ont jamais entendu leurs parents critiquer ouvertement et clairement les autres races, les autres couleurs, les enfants se considèrent comme égaux.

15 janvier, 2008 12:33  
Blogger Titophe said...

Bien entendu, Zébu. Je crie haut et fort depuis longtemps que le racisme est un acquis bien plus qu'un sentiment inné. On peut toutefois nuancer ceci en tenant compte de la composante hétérophobe mise en avant par Memmi.
Mon propos ici est de proposer des voies qui puissent permettre d'apaiser les frustrations liées au passé. Ces frustrations existent, le nier ne fait que les alimenter.

15 janvier, 2008 12:38  

Enregistrer un commentaire

<< Home