Racisme et Histoire: Le Tabou

La société Francaise souffre d'amnésie. Elle se refuse à reconnaitre les périodes peu glorieuses de son histoire durant lesquelles l'esclavagisme et le colonialisme ont été justifiés par un racisme institutionnel. Ces périodes sont révolues, mais mal assumées, formant ainsi un bon terreau pour permettre au racisme institué à l'époque de survivre sous d'autres formes.

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Marié a une femme noire depuis bientot 20 ans, père d'enfants metis, je suis de plus en plus inquiet face aux non-dits de notre société occidentale. Admettre et reconnaitre notre histoire dans ses composantes les moins glorieuses serait enfin admettre qu'etre Francais, ce n'est plus seulement etre un descendant des gaulois. Nous pourrions rendre leur dignité a celles et ceux qui se sentent exclus.

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21 novembre 2007

140 - «L'anti-racisme est piégé par Sarkozy»

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Mercredi 21 novembre 2007


J'ai choisi aujourd'hui de relayer un article de Karl Laske, journaliste au service société de Libération, après avoir obtenu son accord. Karl Laske tient le Contre Journal de Libératrion, afin "d'ouvrir les débats ignorés ou tabous de l'actualité". Bonne lecture!

Autres liens:
- Libération: «Sarkozy s’inscrit dans la dynamique de légitimation du racisme par les élites»






«L'anti-racisme est piégé par Sarkozy»


Selon Gérard Noiriel, historien de l'immigration, le pouvoir a utilisé les tests ADN pour faire passer sans débat l'essentiel de sa réforme. « Le secret de la victoire de Sarkozy » est d'avoir retourné en sa faveur le débat sur « la fracture coloniale », estime-t-il.

Gérard Noiriel, historien spécialiste de l'immigration, est l'un des démissionnaires de la cité de l'histoire de l'immigration. Directeur d'études à l'EHESS, il préside le comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire. Auteur du « creuset français » (1988, 2006), il vient de publier « Racisme: la responsabilité des élites » (Textuel) et « A quoi sert l'identité nationale » (Agone).

La décision du conseil constitutionnel n'est-elle pas un échec pour la mobilisation contre les tests ADN?
Nous avons un train de retard. La stratégie des responsables de l'UMP intègre désormais nos protestations. C'est un gros problème qui se pose à nous, très douloureux. On voit bien que l'opinion était plus favorable à ces tests à l'issue de la campagne sur les test ADN qu'au début. Les stratégies de pouvoir sont efficaces, en ce sens qu'elles imposent des problèmes d'actualité. Contester, c'est accepter le problème. J'ai fait une analyse de la campagne électorale de 2007, on voit parfaitement comment ce thème de l'identité nationale qui n'avait rien de neuf, a été repris, sans argument nouveau, par l'ensemble des grands partis politiques et par les médias comme quelque chose de fondamental. C'est de cette manière-là que Nicolas Sarkozy a récupéré les voix dont il avait besoin du côté du Front national pour gagner les élections. Aujourd'hui, le ministère de l'immigration et de l'identité nationale étant en place, il faut l'alimenter. On voit une stratégie qui vise à utiliser des mots qui font tilt dans l'opinion. Ce n'est pas un hasard: ADN d'un côté, statistiques ethniques de l'autre. Et l'on est piégé, parce que d'un côté, on ne peut pas laisser passer çà, mais d'un autre côté, ces oppositions contribuent à en faire des thèmes considérés comme prioritaires pour la France.

Pourquoi cela fait-il piège?
Les mutations fondamentales se sont produites dans les années quatre vingt. Pendant toute une période, le Front national était un obstacle que Mitterrand et la gauche mettaient sur le chemin de la droite. La réussite de Sarkozy a été d'utiliser une thématique utilisée par le Front national, dans une rhétorique qui apparaissait admissible aux yeux de ceux qui font l'opinion. On n'a pas les outils permettant de comprendre ce qui se passe aujourd'hui. Et cela dépasse le contexte français, en Europe ou au Japon, par un retour d'une logique nationaliste ou conservatrice qu'on croyait dépassée et qui ressurgit dans un cadre nouveau qui est celui d'une démocratie avancée, avec des logiques médiatiques et des sondages qui gouvernent constamment l'opinion.Il mettre sur la table toutes ces questions. Y compris au niveau du vocabulaire. Parce que l'anti-racisme a tendance à tourner en rond.

Par quel processus la gauche est devenue silencieuse sur le sujet?
Si vous replacez les choses dans leur contexte historique, vous voyez qu'à partir de l'affaire Dreyfus, vous avez eu deux blocs, en simplifiant: le bloc que j'appelle national sécuritaire et le bloc social humanitaire. Ces deux blocs se sont constitués en rapport avec le mouvement ouvrier qui a été l'événement majeur du vingtième siècle mais qui s'est effondré dans les années quatre-vingt. La gauche n'est plus parvenue à intervenir comme avant sur les droits de l'homme ou la question sociale. L'articulation entre l'humanitaire et le social a eu tendance à se défaire. C'est à ce moment que les ouvriers immigrés grévistes de l'automobile ont été lâchés en rase campagne par la gauche au début des années quatre vingt. Le discours de SOS racisme qui s'est substitué au précédent avait sa validité mais rejettait à la marge la dimension sociale. Le monde ouvrier s'est trouvé dans l'incapacité de rassembler ses différentes composantes. Quand on voit que les deux tiers des ouvriers on voté à droite aux dernières élections, on voit qu'il y a là un enjeu majeur. La question qui est posée c'est comment tenir un discours de gauche qui rassemble une majorité et qui tienne compte du fractionnement des identités.

La gauche n'a-t-elle pas tourné le dos à la France issue de l'immigration? Il y a une désaffection de la parole politique dans les quartiers.
Ca, c'est un discours qu'on tient depuis vingt cinq ans. Toutes les politiques d'intégration ont échoué, et aujourd'hui on n'ose même plus employer le mot. Vous avez des réalités sociales qui transcendent les stratégies politiques, qui ne sont pas propres à la France. Les logiques qui visent à parler de fracture coloniale, ou à politiser, polariser, les origines n'apportent pas de résultats positifs pour la gauche. Lorsque le débat politique est focalisé sur un privilège accordé aux identités d'origine il peut être facilement retourné par la droite. En particulier sur thème du racisme anti-blanc. Il me semble que c'est le secret de la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007. Du côté de la droite, on peut interprêter les questions de la loi sur l'immigration dans la même logique. Une des mesures qui nous paraissait, à nos yeux d'historiens de l'immigration, comme l'une des plus scandaleuses: à savoir contraindre les gens à un examen de langue avant de s'installer en France est passée comme une lettre à la poste. On a mis l'accent sur les choses extrêmes qui ont sucité à juste titre la protestation. Finalement, les deux éléments extrêmes - l'ADN et les statistiques ethniques - ont été vidés de leur sens puisque l'intervention du conseil constitutionnel met tellement de conditions que les spécialistes jugent que ça ne fonctionnera pas. Les statistiques ethniques ont été supprimées, mais tout le reste est passé. Et sans véritable débat. L'anticipation des réactions probables des opposants est aujourd'hui intégré par les stratégies politiques.

Il faut réfléchir à la façon de reconstituer des fronts qui pourraient surprendre par rapport aux attentes du pouvoir. Des formes d'action inédites. Collectives. Lorsque nous avons démissionné de la cité de l'histoire de l'immigration, nous réagissions à la création du ministère de l'immigration et de l'identité nationale qui était, par sa formulation même, une concession inadmissible aux thèses du Front national. L'impact de notre démission vient du fait nous ayons été huit sur douze à démissionner. Mais nous étions, les douze, tous d'accord pour récuser l'appellation du ministère. C'est la responsabilité des nouvelles générations de trouver ses solutions inédites.

Propos recueillis par Karl Laske



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7 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Me revoilà, j'avais un peu de retard. Je viens de prendre connaissance des propos de Noirel. La loi vidée de son contenu n'a plus aucune raison d'exister. J'ai suivi la vidéo aussi, mais quand on sait que c'est le marché de l'armement qui nourrit les gros, je ne pense pas qu'on va arrêter les guerres, elles ont indispensables à nos pays riches, et à nos riches parmi les riches. Je n'ai pas trop la forme ce matin, ce monde me désespère.

21 novembre, 2007 10:33  
Blogger Titophe said...

Bonjour Polly.
Concernant le commerce des armes, je trouve que le sujet nous ramène à la réflexion sur l'éthique, l'humanisme, et nous rappelle quece sont avant tout des valeurs de gauche, qu'on le veuille ou pas. Le capitalisme, le libéralisme et l'auto-régulation des marchés, valeurs fondatrices des idées de droite, résultent effectivement au constat que tu fais dans ton commentaire.

Ceci dit, tu ne m'as toujours pas répondu: Tu es de Meylan?

21 novembre, 2007 10:41  
Anonymous Anonyme said...

Les valeurs humanistes ne sont ni de gauche ni de droite, elles appartiennent à tous ceux qui ont justement de l'éthique. Mais comme il est vrai que la droite ultra libéraliste n'en a pas, on peut aboutir à ta conclusion. Et ça ne s'arrange pas!

ps: je suis à la Mure, dans les montagnes. Malgré ça je n'arrive pas à prendre de l'altitude en ce moment,leur politique m'écoeure.

21 novembre, 2007 19:50  
Anonymous Anonyme said...

Je crois, aussi, que depuis une vingtaine d'années, on a trop stigmtisé, à juste titre, souvent, la période coloniale française. Trop d'anachronismes, aussi, en jugeant des actions politiques qui évidemment, sont condamnables avec des critères moraux d'aujourd'hui. Cette stigmatisation récurrente, couplée avec un discours xénophobe sur l'immigration, ont conduit les français à ne plus vraiment supporter les discours repentants !

21 novembre, 2007 20:40  
Blogger Titophe said...

Bonjour Polly. Ethique et libéralisme économique sont-ils compatibles? J'ai l'impression que non, par nature.
PS: La Mure n'est pas si loin de chez moi dans le Vercors.

Bonjour Tietie007. Je ne suis pas du tout d'accord avec toi. Au contraire, je trouve que durant ces 20 dernieres années et encore aujourd'hui la période coloniale et post-coloniale reste un sujet tabou. Là ou je te rejoins, c'est que le résultat est une sentiment enfoui et inconscient de culpabilité renforcant encore plus le coté insupportable de l'évocation de ces périodes. J'ajouterai que ceci est vrai pour "certains" francais, et non pas pour tous les francais.

22 novembre, 2007 07:48  
Anonymous Anonyme said...

On reconnait bien là le double jeu du président (qui n'est pas le mien) : diviser pour mieux régner, il sait faire ...

28 novembre, 2007 09:36  
Blogger Titophe said...

Bonjour Dominique, heureux de te recevoir de nouveau!

28 novembre, 2007 09:42  

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