145 - "Je veux signer l'acte de décès de la "Françafrique" "
Mercredi 16 janvier 2008
Actualité aujourd'hui. Un article du Monde m'ayant interpellé, j'ai décidé de le transcrire tel quel, sans plus de commentaire.
LE MONDE 15.01.08 13h44 • Mis à jour le 15.01.08 13h44
Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat français à la coopération
"Je veux signer l'acte de décès de la "Françafrique""
Six mois après l'élection de Nicolas Sarkozy, il semble que rien n'ait changé dans les relations entre la France et l'Afrique, contrairement aux promesses de rupture faites pendant la campagne électorale. Le ministre d'ouverture que vous êtes accepte-t-il ce statu quo ?
C'est justement parce que je suis un ministre d'ouverture et que j'ai adhéré au discours de Nicolas Sarkozy sur l'Afrique que je souhaite que les choses changent. Or la rupture tarde à venir. Il y a encore trop de rentes de situation, trop d'intermédiaires sans utilité claire, trop de réseaux parallèles pour permettre un partenariat assaini, décomplexé, d'égal à égal. La "Françafrique" est moribonde. Je veux signer son acte de décès. Il ne s'agit pas de faire la morale, mais d'aider au développement. Or, à cause de défauts de gouvernance dans certains pays, notre politique de coopération, malgré de multiples réalisations, ne permet pas des progrès à la hauteur des efforts consentis.
Comment expliquez-vous ce manque d'efficacité ?
La mauvaise gouvernance, le gaspillage des fonds publics, l'incurie de certaines structures administratives ou politiques, la prédation de certains dirigeants, tout le monde connaît ces facteurs ou les imagine. Au total, sur 100 milliards de dollars annuels d'aide pour l'Afrique, 30 milliards s'évaporent. Certains pays ont d'importantes ressources pétrolières, mais leur population n'en bénéficie pas. Est-il légitime que notre aide soit attribuée à des pays qui gaspillent leurs propres ressources ? Il faut donc revoir les conditionnalités, évaluer l'efficience de notre aide.
A quels pays pensez-vous ?
Je ne suis pas là pour montrer du doigt tel ou tel chef d'Etat. Ce serait contre-productif. Mais il serait intéressant d'écouter non seulement les dirigeants, mais aussi les sociétés civiles dire ce qu'elles pensent de l'efficacité de notre aide.
Justement, le régime gabonais d'Omar Bongo vient de "suspendre" les organisations de la société civile qui critiquent l'opacité de sa gestion des revenus pétroliers...
Le président du Gabon est un ami de longue date de la France. Sur la liste des pays problématiques, je ne le placerais pas en tête. Mais, sous réserve de vérification, je regrette cette décision.
Que pensez-vous de la décision du parquet de Paris de stopper l'enquête sur les "biens mal acquis" par certains chefs d'Etat africains ?
Pour faire évoluer les choses, on peut provoquer le conflit. Ma méthode est différente, forte et pédagogique, non idéologique. Il s'agit de conditionner notre aide à une bonne gouvernance, faire comprendre à l'opinion et aux dirigeants que ce serait plus efficace. Dans les accords de partenariat, nous pouvons demander un engagement de transparence sur l'utilisation des ressources en matières premières, exiger qu'une partie de la rente pétrolière soit utilisée dans les projets que nous aidons. Encore faut-il qu'on se tienne à cette ligne. Je suis en dialogue avec le président de la République à ce propos. Le moment est venu que je sois soutenu jusqu'au bout.
Auriez-vous du mal à vous faire entendre ?
Le président a fixé un cadre au niveau du discours. Le moment est venu d'une piqûre de rappel pour aller plus loin dans la démarche de rupture et mettre nos principes en actes. Tuer les petites pratiques moribondes et renouveler notre manière de dialoguer avec les Africains. Le président sera en Afrique à la fin de février : c'est le bon moment.
L'un de vos prédécesseurs, Jean-Pierre Cot, ministre de la coopération, a dû démissionner, en 1982, après avoir cherché en vain à changer les relations entre la France et l'Afrique. Ne courez-vous pas le même risque ?
C'est un vieil ami. Il s'est vite isolé et n'a pas forcément fait la bonne analyse. Moi, je suis avant tout un pragmatique. Je sais gérer les gens, les budgets, les contradictions. Je sais qu'on ne décalquera pas du jour au lendemain notre morale en Afrique. Je sais aussi que l'Afrique est le continent de demain, et qu'il en va de l'intérêt de la France de mettre en oeuvre cette rupture. La jeunesse africaine l'attend.
Propos recueillis par Philippe Bernard
Article paru dans l'édition du 16.01.08.
Revenir à la page principale --- Sommaire de tous les billets
5 Comments:
Bonne année 2008 à toi Titophe !
Les démocrates africains attendent depuis l'arrivée de Sarkozy à la présidence de la République française que les paroles ou promesses laissent la place aux actes concrets pour mettre un terme à la dictature des Etats africains francophones. Malheureusement rien ne changera car en France les intérêts et les bénéfices sont immenses.
Pour moi, les relations franco-africaine ont toujours été entachées de lourds intérêts économiques et d'un passe colonial mal digéré. Plus tout ce qui passe sous la table et qu'on soupçonne.
Et concernant le petit Nicolas, je ne suis pas sûre que l'Afrique soit sa principale priorité en ce moment, sauf peut-être les Africains déjà arrivés chez nous. C'est vrai qu'ils n'ont pas mis de pétrole dans leurs poches avant de venir...
Salut Eugène, je pense que les démocrates africains se trompent. Tant qu'ils auront des attentes, ils seront décus.
Zébu, les relations franco-africaines sont encore du domaine du tabou dans toute sa pureté, d'ou mon dernier billet de ce jour.
Hello Titophe,
Dans le dernier numéro du monde diplomatique, il y a un article sur le Centrafrique et un autre sur Kenya que je n'ai pas encore lu. Mais il y a aussi un dépliant des amis de la terre: "comment l'Europe mine l'Afrique" ou comment la banque de l'UE finance le pillage du sud.
Merci pour l'info, Polly! Est-ce aussi consultable sur le web?
Enregistrer un commentaire
<< Home