Carte postale datant de 1903, du temps de la France coloniale
"Les pays du Vieux Continent ont fêté, le 9 mai, la Journée européenne", note le quotidien congolais Le Potentiel. Le Soleil de Dakar, quant à lui, relève que "Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée de la France à la Coopération, au Développement et à la Francophonie est attendue aujourd'hui à Dakar dans le cadre de la célébration, à Gorée, de la première Journée des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions." Mutations, le quotidien camerounais, précise que cette date du 10 mai "correspond à l'adoption par le Parlement français de la loi, proposée par Christiane Taubira, qui reconnaît l'esclavage et la traite des populations africaine, amérindienne, malgache et indienne comme un crime contre l'humanité."
Il revient au quotidien algérien El Moudjahid de gâcher la fête en rappelant un aspect de la colonisation que la France officielle se garde bien de commémorer. "Le 8 mai est sans doute l'une des dates les plus tragiques de notre histoire, qui donne un aperçu de l'ampleur du massacre colonial dans notre pays. Cet événement est d'autant plus douloureux que la répression, qui a fait plus de 45 000 morts en quelques jours, des centaines de villages bombardés ou brûlés, de Sétif à Guelma, a eu lieu au moment où le monde entier, principalement l'ancienne puissance coloniale, fêtait le bonheur de sa libération du nazisme."
Le Potentiel remarque que "la colonisation aidant, quelques pays européens se sont confortablement installés en Afrique, jouant parfois au paternalisme pour imposer leur souveraineté à leurs anciennes colonies. D'où ces 'relations privilégiées' qu'on évoque si souvent lors des rencontres entre ces pays du Vieux Continent et ceux du continent noir." Pour le quotidien de Kinshasa, l'Union européenne, même si elle feint de l'ignorer, "ne doit pas sa prospérité aux seuls efforts de ses Etats membres mais également aux sacrifices des Africains, voire à l'exploitation honteuse des richesses africaines par les anciennes métropoles. Le devoir de mémoire oblige qu'on s'en souvienne."
Et El Moudjahid d'ajouter que seules "les grandes nations peuvent assumer leur passé. L'Allemagne a demandé des excuses pour les crimes nazis, cela ne veut pas dire que le peuple allemand en ait été le coupable. Un peuple est une entité, les Etats en sont une autre et les systèmes politiques différents d'une époque à l'autre. Condamner l'ordre colonial et situer la dimension de ses actes est le moins que l'on puisse exiger."
D'ailleurs, affirme Le Messager, "les peuples africains sont peut-être idiots, mais pas masochistes. Par conséquent, ils n'accepteront pas éternellement de recevoir sur le visage le crachat du mépris. Avis aux consulats français en Afrique qui humilient les populations lors de l'obtention d'un visa." Le journal camerounais laisse alors éclater sa colère : "Au moment où un jeune Sénégalais vient d'être poignardé à mort dans le nord de la France pour avoir commis le crime d'être un Noir et de venir au pays des Blancs poursuivre ses études, M. Nicolas Sarkozy nous sert un projet de loi ségrégationniste sur l'immigration."
Les Nouvelles de Madagascar s'insurgent également contre "ce texte qui vise à fermer les portes de la France à des millions de jeunes Africains mus par la volonté d'acquérir des connaissances". Désormais, s'il veut venir en France, le futur étudiant devra "démontrer qu'il est un génie en puissance ou un étudiant hors normes. C'est une autre forme de colonisation. Pour la guerre de 1914-1918, on choisissait les plus costauds. Aujourd'hui, on n'a plus besoin de gens forts, mais de gens très intelligents."
Mais Les Nouvelles mettent l'ancienne métropole en garde : "Dans sa quête effrénée des meilleures têtes africaines, la France pourrait se retrouver avec une bande de cancres. Certains étudiants africains, qui souhaitent vivement poursuivre leurs études en France, sont prêts à tout ; ils n'hésiteront pas, par exemple, à se faire fabriquer de très bons relevés de notes et à se faire préparer d'impressionnants projets d'études, et les autorités françaises n'y verront que du feu !"
Et si la France commet l'erreur de poursuivre dans sa voie actuelle, analysent Les Nouvelles, elle en sera la première perdante.
Une législation comme celle que prévoit Paris "ne pourra pas détourner les meilleurs étudiants africains des universités nord-américaines (Etats-Unis, Canada), britanniques ou allemandes au profit de l'Hexagone. Sur le continent noir, on croit dur comme fer qu'en durcissant sa législation la France pourrait perdre sa place de principale destination des étudiants africains."
Le Messager estime que la doctrine de l'immigration choisie "est une escroquerie. Car, pour que cette loi se concrétise dans les faits, il faut déjà que l'immigration actuelle tende vers zéro. Ce qu'aucun gouvernement, des temps immémoriaux et malgré de récents charters bestiaux de refoulement des immigrés vers leurs pays d'origine, n'a réussi à faire. En conséquence, l'immigration voulue viendra s'ajouter à l'immigration subie, aggravant ainsi le flux migratoire et son lot de problèmes."
Pour le quotidien camerounais, il se cache derrière ces lois sur l'immigration "un racisme français rampant qui ne dit pas son nom, qui refuse de se démasquer. M. Nicolas Sarkozy – un nom bien de chez nous, comme dirait un Français d'origine – est dans la logique xénophobe de la droite pure et dure. Seulement, voilà. Le revers de la médaille de sa démarche est qu'il engendre des extrémismes qui, à terme, opposeront les Français entre eux. Déjà, des replis ou des regroupements identitaires naissent ça et là sur le sol français."
Le discours de rejet n'a donc pas de sens, poursuit Le Messager, d'après qui "il est temps de changer le concept de la coopération et des échanges Nord-Sud. Les aides ne nous aident pas à nous émanciper, en tant qu'elles renvoient l'image des misérables qui tendent continuellement la sébile aux riches, et eu égard aux miettes qu'elles représentent par rapport à l'exploitation de nos richesses. Or, c'est la misère et le manque de débouchés qui sont à l'origine de l'exode des jeunes Africains."
Aussi, reprend Le Potentiel, "en cette Journée européenne, il est temps que le 'partenariat adulte et prometteur' tant prôné entre l'Europe et l'Afrique s'active. L'Europe devrait apporter son expertise à l'Union africaine pour accélérer les intégrations politico-économiques régionales. Pousser les Africains à se doter de 'marchés africains' pour élargir la base de leurs transactions commerciales afin que leurs produits soient compétitifs. C'est la voie obligée pour combattre l'immigration clandestine et la pauvreté."
Eric Glover
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