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Sommaire de tous les billetsMardi 5 décembre 2006
Peut-on associer systématiquement racisme et violence ? Quelle violence d’ailleurs ? Ce billet est initialement inspiré par les évènements récents dans le milieu des supporters de football qui se sont conclus par la mort d’un jeune homme. Je ne me focaliserai pas sur ce fait d’actualité largement commenté dans la presse, mais plutôt sur les phénomènes émotionnels individuels ainsi que sur l’émulation de groupe qui ont permis un tel aboutissement.
Automne 1990. De retour en France après 2 années passées en Afrique, jeune cadre fraichement embauché, je découvre la vie de bureau dans une PME qui n’échappe pas au rituel de la pause café, et aux discussions largement inspirées par l’actualité du moment. Un mois auparavant, Saddam Hussein a envahi le Koweït et la communauté internationale s’unit et s’organise pour défendre l’indépendance de ce petit pays. Un de mes nouveaux collègues, fortement «chauffé» par le matraquage médiatique traitant de préparatifs militaires, s’excite soudain et lance : «Mais qu’est-ce qu’on attend pour leur balancer une bombe? Le problème serait réglé vite fait bien fait et ils comprendraient tout de suite les limites à ne pas dépasser»
J’avais 25 ans, un peu déboussolé par un retour encore tout frais, et surtout par le sentiment d’avoir pris conscience de l’existence de l’humanité dans toute sa diversité. Mon sang ne fait qu’un tour et je me lance, pauvre de moi, dans un discours visant à rappeler au collègue qu’ils ne sont pas que des soldats et des dictateurs, mais aussi et surtout des enfants, des femmes et des hommes qui n’ont pas choisi leur lieu de naissance. Et puis, dans mon élan, je me permets de lui faire savoir que le «ils» dont il parle est empreint d’un mépris qui n’est pas a son honneur. Bref, je viens de me faire un copain, et il se trouve accessoirement que c’est mon chef… Mon départ quelques années plus tard a été un soulagement pour moi, comme pour lui!
Cette anecdote me semble révélatrice d’une certaine violence engendrée par une dynamique de groupe qui s’appuie sur un sentiment de légitimité. En effet, le collègue en question considère comme acquis la supériorité de l’occident sur le reste du monde (le fameux «ils»). Cette scission dans son esprit va jusqu'à déshumaniser ce «reste» qui peut subir quelques «pertes» sans provoquer le moindre problème de conscience dans son esprit. Heureusement, les choses ne sont pas allées jusqu'à cette échéance tragique, même si elles ont certainement représenté le début d’une rupture plus marquée entre des civilisations humaines.
11 Septembre 2001. L’attentat contre les twin towers massacre plus de 3000 civils et provoque des manifestations d’allégresse dans le monde oriental. N’est-on pas dans le même mécanisme de rejet? Les 11 années écoulées entre ces deux événements ont vu une radicalisation des esprits instrumentalisés par des religieux peu scrupuleux.

Quel lien associe tous ces événements peu élogieux pour l’humanité? Le renforcement de l’esprit communautaire légitime le recours à la violence, que ce soit dans des stades, dans des rues de banlieues françaises, d'Abidjan ou de Gaza, ou dans le coin café d’une PME. Une perte de conscience des valeurs humaines de base associée à une banalisation de l’inégalité des chances nous entraine inexorablement dans une violence de plus en plus présente. N’est-il pas enfin temps de nous interroger tous ensemble sur les mécanismes ayant permis cette dérive et de réagir collectivement et individuellement en faisant appel à la raison, au sens de la responsabilité et au cœur? En occident, les medias portent une lourde responsabilité en privilégiant leurs intérêts économiques alors qu’ils détiennent un pouvoir énorme sur les esprits, encore bien plus important que les politiques. En orient, les religieux sont leur pendant, manipulant des esprits souvent désespérés et prêts à suivre la moindre parcelle d’espoir.
Voltaire a dit : "Plus les hommes seront éclairés et plus ils seront libres"
Je terminerai en citant une anecdote racontée la semaine dernière par Hervé Bourge chez Ruquier. Lors d’une conversation avec Mitterrand, il s’était permis de lui dire qu’en tant que président de France Télévision, il avait plus de pouvoir que lui. Mitterrand n’avait pu qu’acquiescer…
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