Racisme et Histoire: Le Tabou

La société Francaise souffre d'amnésie. Elle se refuse à reconnaitre les périodes peu glorieuses de son histoire durant lesquelles l'esclavagisme et le colonialisme ont été justifiés par un racisme institutionnel. Ces périodes sont révolues, mais mal assumées, formant ainsi un bon terreau pour permettre au racisme institué à l'époque de survivre sous d'autres formes.

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Marié a une femme noire depuis bientot 20 ans, père d'enfants metis, je suis de plus en plus inquiet face aux non-dits de notre société occidentale. Admettre et reconnaitre notre histoire dans ses composantes les moins glorieuses serait enfin admettre qu'etre Francais, ce n'est plus seulement etre un descendant des gaulois. Nous pourrions rendre leur dignité a celles et ceux qui se sentent exclus.

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26 septembre 2007

127 - Racisme Institutionnel - (1) Introduction

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Mercredi 26 septembre 2007

J'ai trouvé sur le web une suite d'articles remarquables (vous avez vu? Le terme devient de plus en plus populaire!) d'un professeur à l’Université Pompeu Fabra de Barcelone, spécialiste de l'étude discursive. Je me propose, dans les jours qui viennent, de publier une de ses études sous la forme de chapitres plus courts à lire et plus adaptés au mécanisme du blog. A la suite de différents échanges directs avec Teun, il a accepté cette publication. Je l'en remercie.

Cette étude s'appelle "Le racisme dans le discours des élites" et reprend, de manière brillante et clairement exprimée, la plupart des concepts et idées que je cherche vainement et maladroitement à faire passer sur cet espace. Quelle aubaine! Je vous souhaite une bonne lecture.

Par Teun A. Van Dijk

Les élites européennes sont racistes, et de longue date. Leur racisme ne se limite pas à de simples « mots » ou « idées », mais il constitue une pratique sociale envahissante et influente qui donne lieu, pour les minorités, à des formes concrètes d’inégalité ethnique et de subordination dans la vie de tous les jours.


Il y a de nombreuses raisons d’insister sur le racisme des élites, plutôt que sur celui des « classes populaires ». Premièrement, les élites prétendent constamment qu’elles n’ont « évidemment » rien à voir avec le racisme. Au contraire, les hommes politiques respectables, issus de partis démocratiques, les journalistes écrivant pour la presse à grand tirage, et même des universitaires de renom tendent à accuser d’autres catégories sociales de racisme, et particulièrement celles qui se trouvent à l’extrême droite et les habitants « peu éduqués » des quartiers populaires qui sont en contact direct avec les immigrants.
Deuxièmement, les préjudices et les comportements discriminatoires ne sont pas innés mais acquis, et leur apprentissage se fait principalement par le biais du discours public dominant. Ce discours, tel qu’il existe dans le débat politique, les articles d’information et d’opinion dans les journaux et revues, à la radio et à la télévision, dans les livres de classe et les publications académiques, est largement contrôlé par les élites. Si ce discours était systématiquement et majoritairement anti- ou non- raciste, il y a fort à parier que le racisme ne serait pas prévalent comme il l’est aujourd’hui. Les élites sont à beaucoup d’égards les gardiennes de l’ordre moral de la société ; ce sont elles qui donnent les bons ou les mauvais exemples de pratiques sociales.
Troisièmement, nous savons par l’histoire du racisme que diverses élites ont joué un rôle majeur dans la domination et l’oppression raciales. Le concept même de « race » a été inventé par des savants, tout comme la notion de « supériorité raciale », telles qu’elles prévalaient dans la littérature scientifique du dix-neuvième siècle, et une grande partie du vingtième. Le colonialisme, l’eugénisme, la ségrégation, l’Apartheid, l’Holocauste et le « nettoyage ethnique » sont des pratiques racistes dont se sont rendus coupables des hommes politiques respectables (du moins en leur temps), et qui furent légitimées par des journalistes, des intellectuels et des savants. Leurs discours firent leur chemin dans les romans, les films, les textes scolaires, et dans le « langage du bon sens » de la vie quotidienne. Chaque fois que nous sommes confrontés à des formes de « racisme populaire », celui-ci a déjà été largement suggéré par les élites, les dirigeants politiques et les médias, ou bien il alimente l’argumentation populiste afin de limiter l’immigration. Et finalement, là où les élites n’étaient (ne sont) pas activement impliquées dans la production de préjugés et de stéréotypes et de l’exclusion de l’Autre de leur domaine (en politique, dans les médias, à l’université), elles ne font pas grand-chose combattre le racisme populaire, alors même qu’elles ont les moyens de le faire.
Le racisme des élites est en premier lieu discursif. Les hommes politiques, les journalistes, les universitaires, les juges, les cadres d’entreprise agissent principalement par le langage : ils parlent et ils écrivent. Et c’est par le biais de leurs discours, tout aussi variés que dominants, qu’ils expriment et reproduisent leurs opinions, leurs idéologies, leurs programmes et leurs décisions politiques. Une déclaration d’une personnalité politique, un article d’opinion d’un grand reporter, un ouvrage écrit par un intellectuel célèbre peuvent avoir plus d’impact négatif que des milliers de conversations tendancieuses dans la rue, le bus ou au café.
La notion de « racisme institutionnel » recouvre l’ensemble des pratiques discursives organisées des élites, telles qu’elles sont représentées par les débats parlementaires, la presse, les textes administratifs, le discours tenu par les autorités, gouvernementales et municipales, ainsi que les manuels scolaires et universitaires. On risque fort, dans un traitement sociologique du racisme institutionnel, de faire abstraction des pratiques sociales individuelles pour ne parler que d’actes et de décisions d’organisations ou d’institutions. Mais il faut bien voir que les discours de ces institutions sont les produits individuels ou collectifs de leurs membres. Et qu’ils sont légitimés par l’hégémonie des élites. Le racisme d’une institution est à la mesure de celui de ses membres, et surtout de ses membres dirigeants. Nous ne réduisons pas pour autant le racisme à un préjugé personnel, mais nous souhaitons mettre l’accent sur le fait que les préjugés socialement partagés sont produits et reproduits de façon collective et collaborative par les membres de groupes sociaux à travers les discours institutionnels dans les domaines de la politique, des médias, de l’éducation, du savoir et de l’entreprise.




... A suivre

Chapitres suivants:
(2) Le racisme des élites
(3) L’analyse du discours raciste
(4) En Europe
(5) La structure du discours raciste
(6) La sortie du racisme


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7 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Très intéressant... mais flippant. Les discours politiques contiendraient donc des messages racistes subliminaux ? Tout cela se révèle extrêmement pernicieux. Car oui, le racisme est acquis et non inné.

27 septembre, 2007 05:13  
Blogger Titophe said...

Chère Zébu. Pernicieux, oui. Subliminal, non, à mon avis. C'est simplement que nous avons beaucoup de mal à l'admettre. La sublimation est en chacun de nous, pas dans le discours.

27 septembre, 2007 13:28  
Anonymous Anonyme said...

Bonsoir Titophe,
Merci d'avoir attiré mon attention sur cet article édifiant. Il met bien l'accent sur le rôle des élites dans la quasi institutionnalisation de la pensée raciste. Ca nous place face à nos responsabiltés quant à la tentation raciste. Bonne nuit. Amicalement

10 octobre, 2007 00:35  
Blogger Titophe said...

Bonjour Malaika. Effectivement à nous de penser librement.

10 octobre, 2007 15:59  
Anonymous Anonyme said...

Bonjour Titophe et grand merci pour vos contributions.
Serait-il possible d'avoir accès à l'étude de Teun A. Van Dijk sous forme d'un document pdf d'un seul tenant?

14 novembre, 2008 13:26  
Blogger Titophe said...

Bonjour Mila, et bienvenue!

Oui, cette étude est disponible ICI.

14 novembre, 2008 13:29  
Blogger titia said...

Les messages racistes sont subliminaux mais pas uniquement. Ils sont également au sein de chaque individu à travers les stéréotypes et préjugés qu'il diffuse.

Faites un tour sur cet article,ou taper le test de la poupée noire et vous verrez:
http://athyscolors.blogspot.com/2011/04/le-reve-dun-monde-tout-blanc.html

19 avril, 2011 15:48  

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