123 - Contraindre ou convaincre?
Mardi 4 septembre 2007
Je sollicite aujourd'hui votre contribution. En effet, un dilemme oppose deux approches dans la recherche de solutions au racisme silencieux qui mine notre société.
Approche 1: Convaincre puis transformer
"L'obscurité ne peut pas chasser l'obscurité, seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine, seul l'amour le peut". (Martin Luther King)
La première, que je prône depuis quelques temps, consiste à considérer que le racisme ne se limite pas à des actes violents ou ostensiblement discriminatoires. Ceux-ci existent, c’est certain, et sont déjà couverts par une législation et donc réprimés. Le racisme est bien plus que cela, c’est un ensemble de préjugés qui affectent la subjectivité du très grand nombre. Cet aspect, qui fait appel à l’intime de chacun, ne peut faire l’objet d’une quelconque législation à moins de tomber dans la plus absurde négation de la liberté de penser. Pourtant, je reste convaincu que ce sont ces préjugés qui engendrent les actes discriminatoires, quels qu’ils soient. La loi doit être appliquée, je ne le conteste pas, mais je pense que cela n’est pas suffisant car seuls quelques actes seront sanctionnés, et de plus, l’état d’esprit les ayant conduits ne disparaît pas pour autant. Ainsi, changer les mentalités reste un travail de communication avant tout, dont l’objectif premier est de convaincre. La stratégie ici est de provoquer une prise de conscience puis d’assister à une transformation naturelle suite aux changements de mentalités.
Approche 2: Transformer puis convaincre
"Une loi ne pourra jamais obliger un homme à m'aimer, mais il est important qu'elle lui interdise de me lyncher." Martin Luther King
La seconde approche consiste à durcir l’appareil législatif et répressif afin de contraindre la société dans son ensemble. Les solutions envisagées sont diverses et variées, le CRAN pour sa part proposant des quotas et des traitements différents suivant l’appartenance communautaire des citoyens. L’exemple de la place des femmes dans la société et des combats qui ont été menés est souvent mis en avant. La stratégie à long terme restant la même, puisqu’il s’agit de changer les mentalités par l’exemple, même si celui-ci est amené de façon plus musclée. Par comparaison avec la première, il s’agit ici de transformer d’abord pour convaincre ensuite, même si les moyens mis en œuvre se heurtent paradoxalement à l’objectif égalitaire.
Bien qu’ayant clairement penché pour la première démarche, j’avoue comprendre la seconde. Le sujet mérite débat, c’est l’objet de ce billet.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Titophe
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17 Comments:
Je pense "beaucoup de 1 et un chouillat de 2". Je fais partie d'une assoc. qui travaille un peu sur le sujet, nous avons eu l'idée de le faire en chansons et de les offrire ;-)
Pouvez aller les écouter ici
http://ase.site.voila.fr/
En attendant que vous ayez trouve une solution pour remedier au racisme des blancs qui mine notre societe, je vous propose de lire l'article qui est paru en ligne dans Le Monde et qui s'intitule "Les bandes sous la loupe des renseignements généraux".
Les RG decrivent exactement ces luttes armees mettant aux prises dans bandes ethniques les unes contre les autres, le plus souvant constituees d'individu d'origine africaine.
Alors bon, continuez a enfouir votre tete sous le sable en martelant que le racisme des blancs est la gangraine de notre societe. Les faits ont du mal a s'emboiter a votre theorie.
Je te joins un article paru en 2005 dans le Washington Post. Peut-être y trouveras-tu une partie des réponses à tes questionnements.
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2005/11/08/AR2005110801106.html
Why France Is Burning
By David Ignatius
Wednesday, November 9, 2005; Page A31
One day in the late 1970s, the writer James Baldwin was explaining to an Arab friend that he wanted to go back to America after many years as an expatriate in France. "America has found a formula to deal with the demon of race," Baldwin told Syrian businessman Raja Sidawi, who had a house near him in St. Paul de Vence. In France and the rest of Europe, people pretended that the race problem didn't exist, Baldwin said, but "someday it will explode."
Baldwin was right, on both counts. The United States began to find solutions for its tormenting "original sin" after its cities burned in the 1960s. And France, unable to make the same transition toward racial integration, is now watching flames engulf the poor suburbs of Paris that are home to many of its black and brown immigrants. By yesterday morning, the rioting had spread to 300 towns and cities, and a desperate French government was imposing curfews under a 1955 state-of-emergency law.
"The Fire Next Time" was the title Baldwin gave to his prophetic 1963 book about race. Sure enough, the fire came. Americans of my generation remember the riots in Watts and Newark, and the explosion of rage in Washington after Martin Luther King Jr.'s death. It was a trial by fire, and it changed America. Racist politicians such as George Wallace tried to sow more hatred, but a consensus emerged that America needed to provide real opportunities for the enraged young blacks who were throwing the molotov cocktails. The country began a period of court-ordered affirmative action that was acutely painful for blacks and whites but changed how America looks and feels.
The sin of slavery will never be fully redeemed, but America today is a far different place than where I grew up. African Americans now play prominent and powerful roles in every area of American life -- as chief executives of huge companies, on television and in the movies, in top positions in government and politics. Like a recovering addict, we're still solving the issue of race one day at a time, but we've come a long way.
France has scarcely begun that journey. But the events of the past two weeks suggest that the day of reckoning Baldwin foresaw may finally have arrived. Over the past two weeks, more than 5,000 cars have been set ablaze. More than 70 police and 30 firefighters have been injured in the violence. The angry kids haven't been intimidated by hard-line Interior Minister Nicolas Sarkozy, who said he wanted to cleanse the "scum" in the suburbs with a water gun. And they haven't been soothed, either, by the calls for reconciliation by French Prime Minister Dominique de Villepin. In fact, the catfight between these two rival politicians has made the crisis worse -- devaluing both carrots and sticks.
America's lesson for the French is that they have a long, hard road ahead. The starting point is to break the French state of denial. The average (white) French person believes fiercely in the country's revolutionary traditions of liberty, equality and fraternity -- to the point of pretending that these virtues exist for everyone when they clearly don't. France's prized educational meritocracy -- a gulag of tests and exams that prepare the way for the best and brightest to enter elite national schools -- is in fact gamed by the existing elite. They know which lyces are the fastest entry ramp for their kids, which test-prep programs will produce the best results on the feared baccalaureate exams. Right now, France has what amounts to a reverse affirmation action -- a system of supposed equality that guarantees unequal results.
I lived for several years in France, returning to America a year ago, and I was always astonished by the French inability to reckon with racial divisions. You just didn't see black or brown faces in prominent positions -- not in the National Assembly, not on French television, not among business leaders, not in the media. French analysts have been warning for decades about the dangers of warehousing African and Arab immigrants in the suburbs, but the French have refused to adopt aggressive affirmative-action programs that might change the situation. The country was so worried about Muslim extremists that it ignored the more immediate problem of the soulless, sullen suburbs.
The French daily Le Monde recalled in an editorial Monday the warning by President Jacques Chirac in 1995, when he was still mayor of Paris, that youths in the poor suburbs would end up revolting if they couldn't find good jobs. How right he was. Chirac, like most thoughtful people in France, could see the crisis coming, but he couldn't take action. Now it is upon them. As Baldwin warned: "No more water, the fire next time."
P.S. : La rentrée s'est-elle bien passée pour tes filles?
Bonjour,
Merci Isa pour ce texte.
Bon, c'est evidemment un texte tres partisan en faveur de l'affirmative action, qui est presentee comme la seule solution possible a ces problemes...
Comparer les USA avec la France est assez derisoire dans la mesure ou les structures legislatives sont totalement differentes. L'affirmative action est un principe anti-republicain puisqu'il est base sur des lois communautaires d'exception, procede tres courrant aux USA depuis la creation du pays mais impensable en France.
"The average (white) French person believes fiercely in the country's revolutionary traditions of liberty, equality and fraternity -- to the point of pretending that these virtues exist for everyone when they clearly don't."
Cette affirmation est tout bonnement fausse. Au regard de la loi, ces 3 points sont au mieux respectes. Comme dirait Finkielkraut, la republique n'est pas une promesse de bonheur pour tous.
J'ajoute seulement une chose: au niveau de l'approche, je ne suis pas fan de l'affirmative action, je suis bien trop republicain pour ca.
Mais si ca peut effectivement appaiser les tensions inter-raciales et donner un vrai sentiment d'ouverture des possibilites a ceux qui se sentent exclus, alors je suis pour.
Peut-etre qu'effectivement il faille mettre un peu en verve quelques-uns de nos principes.
Ou je reste plus sceptique, c'est quant a la place des jeunes delinquants des quartiers quand bien meme il y aurait affirmative action...
Bonsoir DaTroll,
La société française s’américanisant de plus en plus, elle devra à terme se pencher sérieusement sur ses problèmes et peut-être tendre vers une solution à l’américaine (ou à la britannique).
« Cette affirmation est tout bonnement fausse. Au regard de la loi, ces 3 points sont au mieux respectes. Comme dirait Finkielkraut, la republique n'est pas une promesse de bonheur pour tous. »
Je respecte votre avis mais suis loin de le partager d’autant que Finkielkraut est – pour rester polie – loin d’être pour moi une référence !
Je ne suis pas non plus une fervente partisane de l’affirmative action mais là je prêche pour ma paroisse puisque j’ai eu la chance de naître dans un milieu aisé, multiculturel et hors de France.
Aurai-je pensé la même chose si j’étais née pauvre et avais grandi dans une cité de la banlieue parisienne ? Pas si sûr !
Je préfère être recrutée sur mes compétences que sur mes origines.
Finalement j’accepterai la mise en place d’une affirmative action à la condition qu’elle soit limitée dans le temps (20, 30 ou 50 ans) afin d’éviter qu’elle ne crée d’autres frustrations.
Il y a 2 ans quand j’ai mis en location mon studio de Paris, m’a contacté une jeune femme de 20 ans qui s’est présentée comme Mlle X (nom bien français) ; on se donne RDV le lendemain pour une visite. Elle me rappelle 5 minutes plus tard pour me dire qu’elle m’a menti et qu’elle se nomme Y (nom magrébin) et savoir si cela me dérange.
J’ai oscillé entre colère et honte ; comment se pouvait-il qu’en 2005 en France des jeunes se trouvent obligés de mentir sur leurs origines pour espérer pouvoir se loger ou obtenir un job ?
Je lui loue le studio depuis 2 ans et n’ai jamais eu le moindre impayé, c’est une jeune femme très polie, studieuse bien loin des clichés que les médias colportent sur les jeunes d’origine étrangère.
En se focalisant sur une minorité de fouteurs de merde, c’est la majorité qui en pâti le plus.
L’année prochaine elle souhaite effectuer son stage dans un cabinet d’avocats et m’a demandé de la recommander auprès de mes anciens collègues de NYC – ce que j’ai accepté.
@ Tili: Merci! Je vais me rendre sur votre site dès que possible.
@ Isa & Datroll: Intéressant, votre débat. Il serait judicieux de soit décorréler le sujet de la délinquance ou sinon de l'approfondir. En effet, je ne crois pas en un "gène" de la délinquance, mais plutot à des "facteurs" la favorisant.
Les racistes se trompent toujours de colère.
En lisant ton post, voilà la question qui m'est venue : si l'on ne contraint pas les racistes et assimilés à aller vers l'autre, comment pourra-t-on les faire changer d'avis ? Je vais prendre un exemple un peu puéril, mais imaginons un patron raciste. Pour lui, les Arabes, tous des voleurs, et les Noirs, tous des feignants. Imaginons que la loi l'oblige à embaucher au moins un étranger (ce qu'il ne ferait jamais, sinon), et que cet étranger se révèle travailleur, sérieux, etc etc. N'est-ce pas gagné ?
@ Frédéric Joli. Tout d'abord bienvenue et encore bravo pour votre engagement! Ceci étant dit, je n'ai pas très bien saisi votre commentaire, dans le contexte de cet article. Peut-être était-ce plus général à propos du blog dans son ensemble?
@ Zébu. Et bien, tu as aussi raison. C'est bien pour celà que j'ai érit ce billet, car je me trouve dans un doute profond. Par contre, pour le patron dont tu parles, je ne pense pas qu'il soit représentatif de la majorité. En effet, je pense que le racisme, lorsqu'il est exprimé par des actes de discrimination, comme ici dans le domaine de l'emploi, est un "acte". Ce que je pense, c'est que le pire est surtout le racisme plus silencieux, plus caché, qui ne s'exprime pas vraiment mais qui alimente des stéréotypes tenaces et aliénants pour ceux qui en sont la cible. Encore une fois, je t'engage à lire ce petit document qui fait une remarquable analyse de ce phénomène de société.
Bonjour,
"Aurai-je pensé la même chose si j’étais née pauvre et avais grandi dans une cité de la banlieue parisienne ? Pas si sûr !"
C'est une question que je me pose. Il y a deux courrants de reponse: certains affirment qu'en etant cloitre dans une banlieue, il est tres difficile d'en sortir voir impossible.
D'autres, qui s'en sont sortis, affirment qu'avec du travail et du serieux, les portes sont ouvertes et que pretendre le contraire est une excuse facile justifiant un manque de serieux et de travail.
Le probleme des statistiques de chomage, c'est qu'elle ne tient pas compte de nombreux facteurs tels que la volonter de reussir, la motivation ou la methodologie.
En exemple : une organisation de benevoles aident les banlieusards d'origine etrangere a mieux rediger leur CV. Le taux de placement se voit alors multiplie 3. Ce qui montre que les recruteurs sont plus sensibles a la presentation du CV qu'a la presentation de la personne.
Titophe, a l'etude que vous citez pour la 50eme fois, et pour justifier de l'inefficacite du metissage comme remede au racisme, je vous renvois a cet article:
http://www.blackwell-synergy.com/doi/abs/10.1111/j.1467-9280.2006.01717.x
@ datrol:
j'ai tenté de regarder le lien que vous proposez mais il ne marche pas.
Vous ne serez pas étonné de mon commentaire, Titophe: ni contraindre, ni convaincre, mais seulement Être. Aucune parole, aucun débat, aucun matelage ne convainc jamais personne.Qui nous sommes, comment nous sommes a plus d'impact: n'est-ce pas l'exemplarité? Oui, c'est long...mais n'est-ce pas long de toutes façons? La question demeure de savoir si les lois suivent ou anticipent? à mon avis, elles suivent les mouvements de conscience et les élargissent pour le plus grand nombre. La peine de mort ou l'avortement en sont de bons exemples: d'abord nombres de mentalités évoluent et la loi entérine cette progression, entraînant dans sa suite la masse indécise, et parfois les minorités irréductibles, contraints mais pas convaincus. Ni vous, ni moi, ni aucun loi ne changerons les mentalités; en revanche notre façon de nous comporter a forcément un impact un jour ou l'autre, d'autant plus que nous ne nous comportons pas dans le but de convaincre mais pour rester qui nous sommes. Cela me fait penser à la petite anecdote que j'ai raconté à propos des corridas: mon fils en rentrant de notre première (et dernière sûrement)corrida sauve une araignée devant mes petits-fils éberlués: pas de mot, pas de discussion, juste un acte en accord avec qui il était.
:-)
Isabelle
@ Datroll: Effectivement, je cite cette étude très souvent, et s'il faut encore la citer 50 autres fois, je le ferai. Elle traduit exactement ce qui est à l'origine de bien des maux, ce qui est en chacun d'entre nous et dont personne ne parle.
@ Isabelle: Je suis tout à fait d'accord que les lois suivent et n'anticipent pas. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai une préférence pour la première approche. De là à dire qu'aucun débat ne convainc jamais personne, il y a un pas que je ne franchirai pas. Il n'y a pas si lonttemps, j'ai l'impresssion qu'un homme de petite taille, dont les talents de débatteur et de marteleur ne vous ont pas échappé, et qui, si je me souviens bien, a su vous convaincre?
@ Jocelyn: Si, le lien fonctionne bien: Clique ici.
Non, Titophe, le petit homme en question ne m'a pas vraiment convaincu et, comme je l'ai exprimé maintes fois, j'ai fait contre mauvaise fortune bon coeur et entre deux maux ai tenté de choisir celui que je coryais le moindre...;-)cela étant posé, bien sûr nous pouvons être convaincu, mais je crois que c'est plus une façon d'être que les mots qui agissent.
:-)
Comment répondre à une telle question? Convaincre ceux qui sont figés dans leurs préjugés c'est mission impossible. J'ai lu les divers commentaires (au fait les sites en anglais, très peu pour moi!) chacun y va de sa vision. Le racisme n'est pas seulement une question de couleur ou d'origine, c'est aussi une question de classe sociale, c'est aussi une question de culture (débat sur la colonisation) avec la domination des pays occidentaux sur le reste du monde, c'est aussi une question de quartiers stigmatisés, c'est aussi une question d'éducation et même de psychologie... c'est très complexe et je crois qu'on ne peut pas convaincre. Une des solutions serait de mixer les quartiers, de loger dans un même quartier des populations diverses, mais ça c'est une volonté politique, et c'est encore utopique, les classes aisées préférant fuir quand les "autres" arrivent. Je ne sais pas répondre à cette question, je pense que les lois sont obligatoires (mais en ce moment, elles semblent tourner très mal, les quotas des préfets pour les sans papier!!!). Et puis le monde associatif et son grain de sel peut faire évoluer les mentalités. Dans mon bourg, je trouve dommage que ces associations soient scindées: d'un côté les arméniens, de l'autres les maliens, de l'autre encore les italiens, les marocains, etc... Ce serait si bien de créer une même et grande assoce culturelle pour partager cuisine, chants, danses...avec les gens du pays aussi qui ont leur part à transmettre.
De toute façon, par tous les moyens du bord, nous devons avancer.
Bonjour Polly. Je pense que le mot est dit: Le racisme est avant tout une question de psychologie. C'est pourquoi, derrière le mot convaincre je sous-entends faire prendre conscience.
Notre société se cache encore bien trop derrière une amnésie inconsciente, derrière des mythes. Ce qui nous manque? C'est le courage et l'abnégation, c'est de reconnaitre ce que nous sommes afin de pouvoir l'accepter et ainsi décider de changer ou non.
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