Racisme et Histoire: Le Tabou

La société Francaise souffre d'amnésie. Elle se refuse à reconnaitre les périodes peu glorieuses de son histoire durant lesquelles l'esclavagisme et le colonialisme ont été justifiés par un racisme institutionnel. Ces périodes sont révolues, mais mal assumées, formant ainsi un bon terreau pour permettre au racisme institué à l'époque de survivre sous d'autres formes.

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Marié a une femme noire depuis bientot 20 ans, père d'enfants metis, je suis de plus en plus inquiet face aux non-dits de notre société occidentale. Admettre et reconnaitre notre histoire dans ses composantes les moins glorieuses serait enfin admettre qu'etre Francais, ce n'est plus seulement etre un descendant des gaulois. Nous pourrions rendre leur dignité a celles et ceux qui se sentent exclus.

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28 août 2006

60 - Une compétition malsaine

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Lundi 28 aout 2006

Depuis quelques temps s’affrontent sur ce blog des internautes dont le but est de démontrer, solides preuves historiques à l’appui, la cruauté de telle ou telle ethnie humaine (bien entendu, pas celle à laquelle ils appartiennent) en réponse aux articles ou aux commentaires d’autres internautes. Bref, c’est du « chicken and egg » et cela ne mène nulle part. Ces échanges sont d’ailleurs comparables, par leur stérilité, au dialogue de sourds que l’on peut visionner sur ce récent billet.

Il est peut-être important de rappeler que la cruauté est universelle et donc absolument pas liée à l’ethnie d’un groupe humain. Le croire est une forme de racisme. Bien entendu que si un groupe ethnique a commis sur un autre groupe des atrocités un peu occultées par l’histoire, ceci n’est pas du a sa spécificité ethnique et que d’autres circonstances auraient tout à fait pu provoquer un phénomène inverse. Bien entendu qu’en remontant toujours plus loin dans le temps l’égalité dans l’horreur approche la perfection. Cela n’excuse en rien chaque fait et cette comparaison malsaine ne peut que permettre son renouvellement à l’avenir et à l’infini.

Ce blog avec son titre volontairement provocateur n’a pas vocation à juger l’histoire. Il ne fait qu’essayer de comprendre comment, dans le présent, un certain regard sur cette histoire peut créer autant de malaise et de dysfonctionnements dans une société qui a profondément changé. Les migrations humaines qui s’étalaient sur des siècles, voire des millénaires, s’accélèrent exponentiellement dans le monde contemporain. Cela nécessite que la société s’adapte à ce nouveau contexte, ne serait-ce que dans un reflexe de survie. Un axe important de cette adaptation est de regarder l’histoire de façon moins communautaire, c’est à dire sans jugement. Qui dit dans «sans jugement» dit «en toute objectivité», c’est à dire «sans tabou». Cela requiert du détachement émotionnel et surtout une convergence de tous vers une vision universelle de l’histoire humaine. Chacun devrait se sentir concerné par telle ou telle aventure humaine parce qu’elle met en scène des êtres humains et non pas des «autres» regroupés arbitrairement selon des critères sans fondement.

Pour finir, juger l’histoire ne peut que la déformer et corrompre tout enseignement que son étude pourrait nous apporter. Par contre, la regarder en face pour ce qu’elle est sans se sentir aucunement concerné par les faits et gestes de ceux qui nous ont précédés, va permettre de construire un avenir plus juste, plus humain, plus en adéquation avec la réalité d’aujourd’hui. L’histoire ne nous appartient pas, il nous appartient d’en faire le socle de l’avenir de l’humanité.
Une des leçons qu’un regard objectif tirera est de comprendre comment certains faits ont étés rendus possible par l’institution d’un racisme généralisé dans notre pays, et qui survit malheureusement. Prendre conscience de cela ne signifie pas culpabiliser ou oublier d’autres faits. Cela veut tout simplement dire qu’un pas en avant important aura été réalisé avec des effets positifs concrets sur le présent de notre société et des potentialités nouvelles sur l’avenir que nous partagerons de toute façon.



A lire: Juifs et noirs, 2 problématiques différentes

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10 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Il y a une chanson de JJ Goldman que j'aime beaucoup à ce sujet. Pour moi, elle illustre parfaitement ton post.

Et si j'étais né en 17 à Leidenstadt
Sur les ruines d'un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
Si j'avais été allemand ?

Bercé d'humiliation, de haine et d'ignorance
Nourri de rêves de revanche
Aurais-je été de ces improbables consciences
Larmes au milieu d'un torrent

Si j'avais grandi dans les docklands de Belfast
Soldat d'une foi, d'une caste
Aurais-je eu la force envers et contre les miens
De trahir: tendre une main

Si j'étais née blanche et riche à Johannesburg
Entre le pouvoir et la peur
Aurais-je entendu ces cris portés par le vent
Rien ne sera comme avant

On saura jamais c'qu'on a vraiment dans nos ventres
Caché derrière nos apparences
L'âme d'un brave ou d'un complice ou d'un bourreau?
Ou le pire ou plus beau ?
Serions-nous de ceux qui résistent ou bien les moutons d'un troupeau
S'il fallait plus que des mots ?

{au Refrain}

Et qu'on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps
D'avoir à choisir un camp

29 août, 2006 06:13  
Blogger Titophe said...

Merci Zebu! Effectivement, les paroles de cette chanson méritent d'etre attentivement relues. Elles sont tout à fait opportunes.

29 août, 2006 08:11  
Anonymous Anonyme said...

Se mettre à la place de l'autre, voilà l'important suggéré par Goldman. Pas l'objectivité; car il n'y a pas de lecture objective de l'histoire, il n'y a pas, de toutes façons et par essence, de regard objectif sur quoi que ce soit. Notre regard sur les choses créent une réalité, la nôtre, et ce regard est la conséquence de multiples facteurs: émotions, croyances, etc...
Je crois utile de rappeler que la barbarie est partout et de tous temps et qu'elle n'est pas spécifique à tel ou tel groupe. Son universalité nous montre combien la transformation passe par la prise de conscience individuelle: aucun diktat, aucune loi, aucun gouvernement ne transformera le coeur de l'homme; seul son propre chemin et l'addition de tous ces petits chemins feront passer l'humanité sur les avenues de l'amour.
Encore une fois, Titophe, je crois que ce chemin d'ouverture à l'autre passe par l'ouverture à soi, l'acceptation de nos propres contradictions, y compris en matière de racisme. Le raciste n'est pas un monstre, il est le fruit de son histoire, qui a créé en lui un certain regard sur l'Histoire. La compréhension de la cause, l'acceptation qu'il y a toujours une cause, changent notre regard. L'exclusion de l'autre, qu'elle soit raciste ou autre, est une exclusion, point. Il n'y en a pas de meilleure ou de pire.
Je ne nie pas le racisme, bien au contraire. Mais je crois que l'exclusion le dépasse largement et touche chacun de nous, y compris dans ces parties de nous-mêmes que nous excluons, inconsciemment ou pas, que nous ne voulons pas voir, que nous rejettons. Chaque fois que l'on porte sur l'autre, ou sur soi, un regard accusateur, on entre dans le jugement, fondement de l'exclusion, raciste ou pas.
Belle journée,
Isabelle

30 août, 2006 09:16  
Blogger Titophe said...

Oui Isabelle, c'est une autre facon de dire la meme chose et j'adhere a 100%. L'objectivité dont je parle est certainement l'empathie que vous suggérez.
Ceci dit, la prise de conscience individuelle peut être le résultat de débats collectifs ou du moins peut être initiée par ceux-ci.
Après des mois d'écriture, d'échanges et de réflexions sur ce blog je ne peux que reconnaitre le role preponderant du jugement et de l'exclusion. Effectivement, l'exclusion depasse de loin le simple concept du racisme qui n'en est qu'une forme.
Aller ainsi aux trefonds de la nature humaine m'amene a penser qu'une voie vers plus d'inclusion ou d'universalisme serait de definir de nouvelles cibles d'exclusion. C'est paradoxal mais j'ai encore besoin de temps pour pouvoir l'exprimer. Merci en tout cas pour votre commentaire éclairé.

30 août, 2006 09:30  
Anonymous Anonyme said...

Titophe, je me répète mais la principale source d'exclusion est celle de nous-mêmes, ou de parts de nous-mêmes... ;-)
Isabelle

30 août, 2006 12:37  
Anonymous Anonyme said...

J'ai envie d'ajouter ceci: lorsque vous parlez, Titophe, d'armure, terme récurrent dans vos posts et commentaires, c'est bien donc que vous cherchez à vous protéger... t de l'autre? de vous-même? les deux? et de quelle partie de vous-même considérez-vous comme un ennemi contre lequel vous devez vêtir votre armure? Et si cette partie est un ennemi, n'est-ce pas déjà la rejeter?
amitiés,
isabelle

30 août, 2006 12:41  
Blogger Titophe said...

Isabelle: L'armure telle que je l'entends n'est rien d'autre que l'accumation de voiles dont vous parliez dans un de vos recents billets. C'est l'accumulation de nos acquis qui cachent notre "substantifique moelle: comme dirait Rabelais, ou notre coeur selon vous. C'est la meme chose. Je ne cherche a me proteger de rien et je suis d'accord avec vous pour reconnaitre que notre premier obstacle est en nous. Cela ne doit pas nous empecher de communiquer ni d'echanger nos idees afin de creer une sorte d'elan, meme modeste.

30 août, 2006 13:34  
Anonymous Anonyme said...

Nous sommes d'accord, Titophe. Mais ce n'est pas un hasard si je parle de voiles et vous d'armure...
;-) :-)
Isabelle

30 août, 2006 15:32  
Blogger Titophe said...

L'armure est a la fois lourde a porter et difficile a percer. Ceci dit, en relisant votre commentaire precedent, je ne DOIS pas revetir mon armure pour me proteger d'une partie de moi-meme. Au contraire, le billet sur ce sujet essaye de trouver un moyen d'oter cette armure pour liberer le meilleur de moi-meme. L'armure est ici vue comme une contrainte. J'ai d'ailleurs ensuite evoqué l'exil comme moyen de se liberer de celle-ci.

30 août, 2006 15:38  
Anonymous Anonyme said...

Bonjour Titophe, je reviens enfin après quelques soucis, et je trouve cette note avec laquelle, comme Isabelle, je ne peux qu'être d'accord.
Seules la rencontre et l'union peuvent venir à bout des stéréotypes acquis.
A très bientôt :-)

30 août, 2006 17:19  

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