155 - Quand l'Afrique s'éveille...
Mercredi 21 mai 2008
Pour redonner vie à ce blog, je relaye aujourd'hui encore un article de presse qui m'interpelle par son optimisme. Celà fait du bien. Cet article a été trouvé sur le site du journal Le Point
L'éditorial de Claude Imbert - Quand l'Afrique s'éveille...
Entre la France et l'Afrique, c'est, dit-on, le désamour. Mais où donc était l'amour ? Amour, l'esclavage, la colonisation ? Amour, les intermittences d'humeur d'une tutelle coloniale qui fut à la fois prédatrice et humanitaire, profiteuse et normative ? Amour, la férule du gaullisme postcolonial lorsque « papa de Gaulle » gourmandait la chefferie de l'Union française ? Vous plaisantez !
Devant cette image dégradée de la France en Afrique-que confirment une quarantaine de nos ambassadeurs (1)-, on perd son temps à décrypter tous les aléas de notre politique accusée d'en faire trop... ou pas assez. Le prétendu « désamour » vient de plus haut et de plus loin : l'Afrique liquide quelques siècles de soumission. Une nouvelle génération d'Africains accomplit la « mort du père », la mort du parrainage colonial et postcolonial. Elle fait sonner, à tous vents, ses chaînes déliées.
La France n'a jamais bien compris la souffrance d'une Afrique « déshéritée ». Déshéritée certes dans son climat, ses endémies, sa géographie, mais tout autant dans son histoire. Nous n'avons jamais pris la cruelle mesure d'une double mutilation. Celle de l'esclavage-tant occidental qu'arabe. Celle de la colonisation lorsque, il y a plus d'un siècle, nos messieurs en jaquette découpaient leur butin de déserts et savanes sur les tapis verts de Paris, Londres ou Berlin, en biffant des royaumes défaits, des ethnies ignorées...
Ce que la jeune Afrique nous demande, aujourd'hui, c'est de cesser de croire-par illusion postcoloniale-à l'exemplarité de notre modèle démocratique. Veut-elle notre repentance ? Non ! L'Afrique a mieux à faire-et nous aussi-que de nous voir battre notre coulpe sur celle de nos aïeux. Ce qu'elle magnifie à grand bruit, c'est la fierté reconquise d'une masse d'hommes, jadis infériorisés, avec leurs cultures propres, leur vision de la fratrie, de la vie et de la mort, et qui furent précipités sous la tutelle de l'homme blanc, de son ingéniosité scientifique et technique. Mieux que les Indiens décimés d'Amérique, l'homme noir aura survécu. Il s'approprie peu à peu-et comme toute l'Asie-le savoir-faire occidental. Mais il ne liquidera plus sa différence. Apprenons à regarder cette nouvelle Afrique au fond des yeux : elle ne les baissera plus.
Chassons, par exemple, cette idée datée, odieuse-et qui rôdait encore vaguement dans notre discours présidentiel de Dakar-que l'histoire des hommes appartint tout entière à ceux qui, pour quelques siècles, en tenaient le gouvernail et nullement à ceux qui croupissaient à fond de cale. Aujourd'hui, le monde noir-Afrique, Caraïbes, Amérique-fête la fin de cet enfouissement. Il fait de sa libération le mythe fondateur de sa renaissance. De même que la Révolution de 1789 devint le mythe fondateur d'une nouvelle France, de même l'Afrique sacralise sa rupture. Pourquoi le tyran Mugabe, obstiné despote, conserve-t-il l'indulgence de ses pairs d'Afrique ? Parce qu'il fut avec Nkrumah une des grandes figures fondatrices de la Libération. Pourquoi Aimé Césaire, descendant d'esclaves de la Martinique, est-il encensé dans toute l'Afrique ? Parce qu'il apparaît, plus que Senghor, comme le chantre vraiment rebelle de la négritude. Désormais, un rêve panafricain germe dans les jeunesses noires, avec son cortège fantasque d'utopies. Mais sous leur confuse rumeur une nouvelle Afrique bouge et s'étire.
Avec ses 800 millions d'hommes, l'Afrique n'en a pas fini avec ses misères climatiques, ses famines, ses conflits ethniques et la corruption de ses caciques. Mais, avec un taux moyen de croissance de 4 %, elle quitte les gouffres. Elle aligne encore des lanternes rouges de la détresse mondiale, mais aussi de nouveaux champions, dopés, entre autres, par le boom pétrolier.
Dans une mondialisation qui rebat bien des cartes, la France conserve un atout majeur : sa langue, et une rare expertise du continent. Nous devons défendre nos intérêts sans hauteur ni complexes, contre des concurrences nouvelles, dont la Chine, omniprésente. Déjà, nous commerçons plus avec l'Afrique anglophone qu'avec le prétendu pré carré de l'Afrique francophone. Une manière de tourner la page !
Si des vestiges de la « Françafrique » nous conservent, ici ou là, des fidélités profitables, tant mieux ! Pourquoi jeter ces bébés avec l'eau du bain où nous avons baigné ? Ce qu'il faut évacuer, c'est l'eau du bain. On disait, il y cinquante ans, l'Afrique mal partie. En fait, elle n'était pas du tout partie. Aujourd'hui, elle part, appareille, s'arrache à nos anciens parapets... Bon vent ! §
1. Le Monde, 27 et 28 avril 2008.
Revenir à la page principale --- Sommaire de tous les billets
Libellés : afrique, développement, franceafrique, postcolonialisme
4 Comments:
bonjour, c'est bien gentil tout ça, mais quand donc les occidentaux cesseront-ils de penser, avec leurs cerveaux d'occidentaux, c'est à dire, ce qui est, où serait, le mieux pour l'Afrique, etc, etc
J'ai le cul entre deux continents depuis ma naissance, voyageuse par destin, j'ai pris l'habitude de laisser ma culture a la douane quand j'arrive dans un pays, ce n'est qu'ainsi que je peux m'intégrer, comprendre, ne jamais juger...
merci au destin qui m'a offert cette ouverture d'esprit qui me permet de me sentir citoyenne du monde....
Com un peu hors sujet, mille excuses,
Bonjour PtitBouchon. Non, je ne trouve pas que tu sois hors sujet. L'idée même que notre modèle de société soit le seul envisageable et le meilleur est une composante majeure de l'étude holistique du racisme et de sa causalité. L'histoire de l'Arche de Zoé en est une illustration parfaite.
précisemment les agissements de l'arche de zoe m'ont autant interpelé que la réaction de nombreux français les prenant pour des victimes.. démoralisant tout ça
Oui on voit ce que ca donne l'Afrique du Sud qui se reveille, ce peuple metisse (donc non-assujeti au racisme par definition) exemplaire.
Enregistrer un commentaire
<< Home