Racisme et Histoire: Le Tabou

La société Francaise souffre d'amnésie. Elle se refuse à reconnaitre les périodes peu glorieuses de son histoire durant lesquelles l'esclavagisme et le colonialisme ont été justifiés par un racisme institutionnel. Ces périodes sont révolues, mais mal assumées, formant ainsi un bon terreau pour permettre au racisme institué à l'époque de survivre sous d'autres formes.

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Marié a une femme noire depuis bientot 20 ans, père d'enfants metis, je suis de plus en plus inquiet face aux non-dits de notre société occidentale. Admettre et reconnaitre notre histoire dans ses composantes les moins glorieuses serait enfin admettre qu'etre Francais, ce n'est plus seulement etre un descendant des gaulois. Nous pourrions rendre leur dignité a celles et ceux qui se sentent exclus.

Le coin des compteurs
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29 août 2007

122 - La censure monte d'un CRAN

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Mercredi 29 aout 2007

Un petit coup de gueule aujourd'hui. Je regarde d'un oeil intéressé les discours et les actions du CRAN, ce mouvement étant focalisé sur un thème qui m'est cher. Partageant entièrement leur préocupations, celà ne signifie pas pour autant que je partage leur approche. En effet, l'aspect fortement communautaire laisse un arrière gout d'exclusion qui me dérange. Comment demander plus d'inclusion en pratiquant l'exclusion? C'est mon opinion.

Tout celà pour dire que je consulte régulièrement le blog de Patrick Lozès, président de ce mouvement. A deux reprises déjà, j'ai choisi d'intervenir en posant un commentaire. Dans chacun de ces commentaires, j'ai toujours tenu à mettre en évidence mon entière adhésion au constat qu'ils font du racisme en France. Seules les solutions proposées me semblent criticables, c'est ce que j'ai fait en toute courtoisie. Les lecteurs fidèles de cet espace savent que je n'aime pas braquer mes interlocuteurs par un langage provoquant ou impoli. Pourtant, à ces deux reprises, mon commentaire n'est resté que quelques minutes sur leur blog, puis a disparu. Mes demandes d'explications sont à ce jour sans réponse.

Est-ce le meilleur moyen pour ce mouvement d'atteindre ses objectifs? Je pense qu'ils s'égarent à pratiquer une censure faisant malheureusement partie des stéréotypes qu'ils dénoncent...

A tire d'exemple, voici le dernier commentaire censuré, relatif à cet article: Paradoxe, paradoxe:

Bonjour,

Réflexion intéressante. Je partage entièrement le constat. En effet, le "racisme des non-racistes" (j'adore la formule) est bien plus pesant que le racisme ouvertement affirmé des autres.
Ceci dit, je ne partage pas votre conclusion. Aucune mesure législative ne peut changer quoi que ce soit, c'est ma conviction. Par contre, il convient à mon sens de contribuer à une réelle prise de conscience, et vous avez un role important à jouer, ne serait-ce que par l'envergure médiatique que votre mouvement a acquis. En effet, ce racisme reste inconscient et le premier obstacle est de le mettre en lumière afin de provoquer une prise de conscience individuelle de chaque citoyen. Il faut ainsi non pas se cantonner à une action purement "administrative" en légiférant ou en contraignant/imposant de nouvelles procédures, mais il faut enfin briser les tabous, communiquer, utiliser les potentiels emotionnels de la sphère médiatique à laquelle vous avez accès. C'est certainement plus complexe et plus délicat, mais bien plus puissant. Convaincre au lieu de contraindre, je pense que là est la clef. Je vous renvoie à un ancien billet que j'ai mis en ligne sur mon blog et qui illustre un peu plus en profondeur ce sujet.
Bonne journée
Titophe (Blog Racisme et Histoire: Le Tabou)




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23 août 2007

121 - Bel enseignement!

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Jeudi 23 aout 2007

Encore l'actualité. Cette fois-ci, c'est la conclusion de cet article du Monde que je trouve inquiétante. Comment l'institution "éducation nationale", dont les responsabilités sont si conséquentes à long terme, peut-elle faire preuve de tant d'insouciance?

A Epinal, un enseignant condamné pour insultes racistes envers un élève
LE MONDE 22.08.07 15h21 • Mis à jour le 22.08.07 15h24
ÉPINAL ENVOYÉ SPÉCIAL

Son avocat le décrit comme "un peu bourru". Dominique Berger, professeur de mathématiques de 52 ans, ne craignait pas de faire preuve d'autoritarisme face à ses élèves. Un "franc-parler" qui l'amenait parfois à dire "Ta gueule !" à un lycéen. Ou qui pouvait le conduire à donner un coup de règle pour ramener le calme. Les origines africaines d'un de ses élèves, Chouaib L., 17 ans, l'ont poussé beaucoup plus loin : entre octobre 2006 et mars 2007, l'enseignant a multiplié les insultes racistes à son encontre. Des propos, tenus en classe, qui lui ont valu d'être jugé, mardi 21 août, par le tribunal correctionnel d'Epinal.

Face aux insultes, le jeune homme n'avait rien dit. Ni à ses parents, ni à la direction du lycée. Mais les outrages allant crescendo, quatre camarades de classe ont pris l'initiative, en mars, d'alerter la direction du lycée. Laquelle a prévenu le père, qui a déposé plainte.

Devant le proviseur, puis devant les policiers, les quatre lycéens ont raconté que le professeur maltraitait Chouaib. Avec des propos ouvertement racistes : "Tu manges des bananes ? Retourne dans ton pays manger des bananes !", "Tu es noir, tu voles, non ?" "Ne prends pas ma règle, tu vas la salir", "Oh ! Voilà Bamboula !", aurait notamment déclaré le professeur en visant Chouaib.


"TÊTE DE TURC"


M. Berger réfute ces accusations. Sauf une : devant les enquêteurs, il a reconnu avoir utilisé le terme de "Bamboula" pour désigner le lycéen, seul Noir de la classe. "Son comportement jovial et gai me faisait penser à un fêtard", a-t-il expliqué en soulignant que l'élève n'était pas attentif, qu'il regardait régulièrement son téléphone portable et qu'il conservait les écouteurs de son lecteur MP3 sur les oreilles. Le reste des insultes, il assure ne les avoir jamais prononcées : "C'est un complot pour casser le prof", a-t-il dit aux policiers.

La procureure de la République, Delphine Jabeur, a insisté sur la répétition des insultes dans le temps. "Si cette plainte n'avait pas eu lieu, M. Berger aurait continué à s'en prendre à sa tête de Turc", a-t-elle souligné, réclamant une peine d'un mois de prison avec sursis et 2 000 euros d'amende.

L'avocat de Chouaib, M e Gérard Welzer, a également fustigé l'attitude de l'enseignant : "Si dans l'école de la République, ce qu'on enseigne c'est le racisme, c'est fini." Il a rappelé que le lycéen, basketteur prometteur, était de nationalité française. "C'est un peu comme Zidane, a-t-il ajouté. Quand il marque des paniers, c'est un champion, c'est un Français. Quand il est un peu dissipé, c'est la tête de Turc." L'enseignant a préféré ne pas se présenter à l'audience à cause de "l'état de stress" dû aux accusations, selon la lettre qu'il a envoyée au tribunal, ou pour "éviter le lynchage médiatique", selon son avocat, Me Stéphane Giuranna. Lequel a souligné que le professeur s'était excusé "à plusieurs reprises" pour l'utilisation "indigne" du terme "Bamboula". "Il a craqué face à une classe extrêmement difficile. On ne doit pas ruiner une carrière de vingt-cinq ans pour un accident de parcours qu'il regrette", a expliqué l'avocat.

Le tribunal a condamné l'enseignant à un mois de prison avec sursis, assorti d'un total de 2 100 euros de dommages et intérêts. L'éducation nationale a été nettement moins sévère : selon l'avocat de l'enseignant, elle a prononcé un simple blâme.

Luc Bronner
Article paru dans l'édition du 23.08.07.



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16 août 2007

120 - Vous êtes français?

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Jeudi 16 Aout 2007

Bonjour à tous, je reviens aujourd'hui seulement d'un mois d'évasion et de dépaysement. J'espère que vous êtes nombreux à vous être resourcés pour attaquer d'un pas vaillant les semaines à venir.

Pour débuter, je vous propose un article du journal "Libération" très révélateur d'une tendance de plus en plus nette de confondre joyeusement "français" et "visiblement français". La lecture appelle la réflexion, c'est le moindre de ses intérêts.

Et pourtant...

«Ma grand-mère a sorti sa carte avec la mention "juif"»
Les témoignages de lecteurs affluent après notre article sur les déboires d’une Française, Brigitte Abitbol, pour obtenir ses papiers d’identité.

Par Catherine Coroller
QUOTIDIEN : jeudi 16 août 2007

Les
déboires avec l’administration de Brigitte Abitbol, Française juive née en Algérie en 1950 ( Libération du 7 août) ont passionné les lecteurs de Liberation.fr.

Comme à tous les Français nés hors de l’Hexagone ou de parents étrangers, cette quinquagénaire s’est vu demander, pour le renouvellement de sa carte d’identité, un certificat de nationalité, délivré par un tribunal d’instance, en l’occurrence celui de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Mais, comme elle porte un patronyme à
«consonance israélite», le greffier lui a demandé de fournir un «acte de [sa] religion».

Objectif : s’assurer que Brigitte Abitbol est bien juive, ce qui laisse supposer qu’elle descend d’une famille naturalisée en 1870 grâce au décret Crémieux, comme la quasi-totalité des juifs d’Algérie. Brigitte Abitbol a refusé de produire un tel document. Elle n’a toujours pas de carte d’identité. Et son cas n’est pas isolé.

Médiateur. Le grand nettoyage organisé par l’Etat depuis 1993-1994, lorsque la carte d’identité papier a été remplacée par sa version informatisée et sécurisée, en désoriente plus d’un. Ainsi Gérard à qui une greffière du tribunal d’instance du XVIIe arrondissement de Paris a demandé «un certificat de judaïcité». «Il a fallu l’intervention du médiateur de la République pour résoudre ce problème, témoigne-t-il. Un grand-père qui s’est battu en 14-18, un père mort pour la France et moi-même deux ans d’armée dans les paras… bravo pour l’égalité, la fraternité».

De même Mita : «Juive d’origine algérienne, il m’a été demandé de prouver ma nationalité française. J’ai produit le jugement de nationalité de mon père ainsi que le livret de famille. Il m’a été demandé, malgré ce premier jugement, de prouver ma judaïté, comme si le décret Crémieux prévoyait que les descendants des juifs algériens devaient rester juifs jusqu’a la nuit des temps. Il se trouve que je suis restée juive et que j’ai produit le certificat demandé, mais si j’en avais eu le temps et les moyens, j’aurais saisi le Conseil d’Etat».

Mamwe raconte que sa mère a vécu la même mésaventure que Brigitte Abitbol : «Il lui est arrivé la même chose à la mairie de Massy (Essonne). En effet, elle est née en 1953 à Bône en Algérie. Son nom de jeune fille à consonance israélite , y est peut-être pour quelque chose. Mais elle a fait un tel scandale que c’est passé».

Que l’administration ose réclamer un «certificat de religion» choque les internautes. «On n’a pas à demander un acte religieux, s’insurge Warp. A quand une demande de baptême pour les inscriptions dans les maternelles ? Lamentable». «Et si cette dame était de famille juive athée ? questionne un autre. Comment avoir un acte religieux ? On fait quoi, on lui paie un charter ? Pour aller où ?»


«Dégradant». Les non-juifs nés à l’étranger ou de parents étrangers sont censés avoir hérité de la nationalité française par le sang et non grâce au décret Crémieux. Ils ne sont pas astreints à la fourniture d’un certificat religieux. Mais beaucoup jugent humiliant de devoir produire un certificat de nationalité.
«Je témoigne en tant que pied-noir. C’est dégradant de se voir considéré comme non-français», écrit un homme. «Née en Algérie d’un père réfugié espagnol, naturalisé français et d’une mère née en Algérie, j’ai dû moi aussi prouver ma nationalité, rapporte Caroline. Fonctionnaire depuis 38 ans, j’aurais pu en rire mais je me suis sentie furieuse et surtout… en danger. J’imagine si j’avais été juive, ou noire ou beur…» Ce lecteur raconte l’histoire de sa grand-mère : «Elle est née en 1919 dans un shtetl en Pologne à 30 km de Dachau, et a été naturalisée française en 1921 après que sa famille a émigré suite aux premiers pogroms. En 2001, elle s’est vu demander un certificat de nationalité pour le renouvellement de sa carte d’identité. Elle a expliqué que son village avait été détruit et brûlé et qu’il n’existait plus de documents. On lui a rétorqué qu’alors elle serait renvoyée dans son pays . Elle a sorti sa carte nationale de Français éditée en 1943 et barrée de la mention JUIF et m’a téléphoné en larmes… J’ai demandé à voir le sous-préfet et celui-ci a fini par s’excuser et ma grand-mère a eu sa carte.» Autre catégorie de population qui vit particulièrement mal l’obligation de fournir un certificat de nationalité, les Français descendants de personnes nées en Alsace-Lorraine entre 1870 et 1918 alors que cette province était allemande. «J’ai dû renouveler mes papiers et ceux de mes enfants, raconte Isabelle. L’administration a exigé un certificat de nationalité car un de mes parents est né en Alsace. On m’a demandé le livret militaire de mes deux grands-pères (morts depuis longtemps), ne les ayant pas, il y a eu enquête approfondie. Manifestant mon mécontentement devant cette procédure basée sur le délit de sale origine , on m’a gentiment répondu que je n’étais française que par réintégration.»

Indépendance. L’inquisition administrative atteint son maximum pour les Français originaires d’anciennes colonies descendants, non pas de colons, mais d’indigènes. L’administration zélée s’attache alors à vérifier si eux - ou leurs parents - ont fait toutes les démarches nécessaires pour conserver la nationalité française lors de l’indépendance.

L’enquête aboutit parfois à un retrait de la nationalité. «Pour les Français nés à l’étranger et notamment ceux nés au Maghreb, s’insurge Mathkara, il est assez déroutant, pour ne pas dire vexant ou humiliant, à 50, 60 ans et plus, de voir de jeunes freluquets venir demander à des individus, français depuis des années, de justifier de leur francité . Le pire étant lorsque après avoir été français pendant plusieurs décennies, on vient vous dire : ha, mais en fait, non vous n’êtes pas français, vous allez devoir retourner dans votre pays car vous êtes en plus sans-papiers ! »




A lire:
- La chasse aux "faux" français
- Naître et ne pas être français


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