Racisme et Histoire: Le Tabou

La société Francaise souffre d'amnésie. Elle se refuse à reconnaitre les périodes peu glorieuses de son histoire durant lesquelles l'esclavagisme et le colonialisme ont été justifiés par un racisme institutionnel. Ces périodes sont révolues, mais mal assumées, formant ainsi un bon terreau pour permettre au racisme institué à l'époque de survivre sous d'autres formes.

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Marié a une femme noire depuis bientot 20 ans, père d'enfants metis, je suis de plus en plus inquiet face aux non-dits de notre société occidentale. Admettre et reconnaitre notre histoire dans ses composantes les moins glorieuses serait enfin admettre qu'etre Francais, ce n'est plus seulement etre un descendant des gaulois. Nous pourrions rendre leur dignité a celles et ceux qui se sentent exclus.

Le coin des compteurs
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27 avril 2007

108 - A quoi tout cela sert-il?

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Vendredi 27 avril 2007

Dans mon précédent billet, j’ai cité des propos à l’évidence racistes émanant de nos plus illustres personnages historiques, écrivains, philosophes ou politiques. Mon objectif n’est pourtant, en aucun cas, de remettre en cause la grandeur des personnages, qui se trouvaient tous en parfaite harmonie avec le contexte de leur époque. Je tiens à préciser, encore une fois, ma démarche.

Depuis 20 ans maintenant, je suis, de par ma situation, un observateur privilégié du racisme silencieux et latent qui hante les esprits dans notre société. J’ai acquis une conviction alarmante, c’est que cet état d’esprit est tout sauf marginal. Au contraire, il est présent dans la tête de 90% des gens, souvent de façon inconsciente. Si 30% des personnes sondées se disent racistes, d’après de récentes études, il y en a donc 60% qui pensent (ou souhaitent) ne pas l’être, mais qui portent en elles un malheureux état d’esprit qui, bien que ne les conduisant pas à des actes violents ou répréhensibles, les conduit à avoir une attitude contrastée. J’ai donné l’exemple du langage, des mariages, de l’humour, du regard, du sentiment d’appartenance communautaire

Je pense que cette situation n’est pas une fatalité, car j’ai aussi la certitude que les gens sont par nature, profondément humains. Ce qui permet, encore aujourd’hui, la présence de ce sentiment sourd et dissimulé, c’est l’absence de conscience de son existence. Une telle prise de conscience me semble nécessaire, bien que très perturbante, car elle ne doit pas s’accompagner de culpabilité. C’est ce délicat contraste qui amène certains d’entre nous à ne pas souhaiter ce débat, à finalement ne pas souhaiter affronter cette réalité troublante.

Mon approche est de provoquer cette prise de conscience, sans que pour autant cette prise de conscience ne s’accompagne d’un nouveau sentiment de culpabilité. J’ai choisi de rechercher, dans nos acquis communs, ce qui a bien pu engendrer ces sentiments inconscients. Je crois, dans la façon dont nous regardons notre histoire, avoir trouvé une piste sérieuse. Ainsi, je ne juge pas l’histoire, j’analyse simplement la façon dont nous la regardons. Seuls le présent et l’avenir m’intéressent, ce sont eux que nous pouvons changer.

Prenons conscience, nous deviendrons plus libres!Tant que l’on n'a pas conscience d’un problème, aucune solution n’est envisageable. Dans le cas présent, cette prise de conscience me semble représenter la clef majeure de la solution, car elle appelle irrémédiablement une remise en question, les fameux «pourquoi ?» ouvrant une nouvelle voie.



Titophe



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24 avril 2007

107 – Notre culture, c’est aussi celà

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Mardi 24 avril 2007

J’ai trop peu de temps à consacrer au blog en ce moment. Depuis quelques mois, je me suis amusé à collectionner des citations d’auteurs ou de grands hommes français. Je vous livre un petit extrait. Si d’aventure vous souhaitez en proposer une, en ayant au préalable référencé la source, n’hésitez pas à me la communiquer. Je me ferai un plaisir d’étoffer ce billet.


Voltaire, Essai sur les Mœurs et l'esprit des Nations, 1756. (Tome 1, pages 6 à 8)
"Il n'y a point de voyageur instruit qui, en passant par Leyde, n'ait vu une partie du reticulum mucosum d'un Nègre disséqué par le célèbre Ruysch. Tout le reste de cette membrane fut transporté par Pierre-le-Grand dans le cabinet des raretés, à Petersbourg. Cette membrane est noire, et c'est elle qui communique aux Nègres cette noirceur inhérente qu'ils ne perdent que dans les maladies qui peuvent déchirer ce tissu, et permettre à la graisse, échappée de ses cellules, de faire des tâches blanches sous la peau. Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d'hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu'ils ne doivent point cette différence à leur climat, c'est que des nègres et des négresses transportés dans les pays les plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce, et que les mulâtres ne sont qu'une race bâtarde d'un noir et d'une blanche, ou d'un blanc et d'une noire. "


Ernest Renan, La Réforme intellectuelle et morale, 1871.
"La nature a fait une race d'ouvriers. C'est la race chinoise d'une dextérité de main merveilleuse, sans presque aucun sentiment d'honneur; gouvernez-la avec justice en prélevant d'elle pour le bienfait d'un tel gouvernement un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite; une race de travailleurs de la terre, c'est le nègre : soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l'ordre; une race de maîtres et de soldats, c'est la race européenne. Que chacun fasse ce pour quoi il est fait et tout ira bien."


Pierre Larousse, Article "Nègre", Grand Dictionnaire Universel du 19e s. (1872)
"C'est en vain que quelques philanthropes ont essayé de prouver que l'espèce nègre est aussi intelligente que l'espèce blanche. Un fait incontestable et qui domine tous les autres, c'est qu'ils ont le cerveau plus rétréci, plus léger et moins volumineux que celui de l'espèce blanche. Mais cette supériorité intellectuelle qui selon nous ne peut être révoquée en doute, donne-t-elle aux blancs le droit de réduire en esclavage la race inférieure ? Non, mille fois non. Si les nègres se rapprochent de certaines espèces animales par leurs formes anatomiques, par leurs instincts grossiers, ils en diffèrent et se rapprochent des hommes blancs sous d'autres rapports dont nous devons tenir grand compte. Ils sont doués de la parole, et par la parole nous pouvons nouer avec eux des relations intellectuelles et morales, nous pouvons essayer de les élever jusqu'à nous, certains d'y réussir dans une certaine limite. Du reste, un fait plus sociologique que nous ne devons jamais oublier, c'est que leur race est susceptible de se mêler à la nôtre, signe sensible et frappant de notre commune nature. Leur infériorité intellectuelle, loin de nous conférer le droit d'abuser de leur faiblesse, nous impose le devoir de les aider et de les protéger."


Jules Ferry, 28 juillet 1885
"Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures... "









Merignhac, précis de législation et d'économie coloniales. (1912)
"Coloniser, c'est se mettre en rapport avec des pays neufs, pour profiter des ressources de toute nature de ces pays, les mettre en valeur dans l'intérêt national, et en même temps apporter aux peuplades primitives qui en sont privés les avantages de la culture intellectuelle, sociale, scientifique, morale, artistique, littéraire, commerciale et industrielle, apanage des races supérieures. La colonisation est dont un établissement fondé en pays neuf par une race avancée, pour réaliser le double but que nous venons d'indiquer."


Raoul Girardet, L'idée coloniale en France de 1871 à 1972, p. 139
"La "supériorité" de la civilisation occidentale se confond, dans l'opinion catholique et conservatrice, avec celle de la seule religion révélée et des concepts moraux qui lui sont rattachés. Elle se nourrit, dans l'opinion républicaine, de la foi dans la Science, le Progrès, les idéaux de 1789. Pour les autres, l'Occident, incarné par l'administrateur, le médecin ou l'instituteur, apporte la justice, l'égalité, l'école, la lutte contre les forces d'oppression et de mort. Mais pour les uns comme pour les autres, l'Occident représente les "Lumières" face aux "Ténèbres"."


Charles de Gaulle - Entretiens avec Jacques Foccart, 8 novembre 1968. cité dans ses Mémoires, tome 2. Le Général en mai. Journal de l’Élysée. 1968-1969, éd. Fayard/Jeune Afrique
"Vous savez, cela suffit comme cela avec vos nègres. Vous me gagnez à la main, alors on ne voit plus qu’eux : il y a des nègres à l’Élysée tous les jours, vous me les faites recevoir, vous me les faites inviter à déjeuner. Je suis entouré de nègres, ici. […] Et puis tout cela n’a aucune espèce d’intérêt ! Foutez-moi la paix avec vos nègres ; je ne veux plus en voir d’ici deux mois, vous entendez ? Plus une audience avant deux mois. Ce n’est pas tellement en raison du temps que cela me prend, bien que ce soit déjà fort ennuyeux, mais cela fait très mauvais effet à l’extérieur : on ne voit que des nègres, tous les jours, à l’Élysée. Et puis je vous assure que c’est sans intérêt. "


Charles de Gaulle - Cité par Cyrus Sulzberger, Les derniers des géants, Ed. Albin Michel, 1972
"Qu'est-ce que les Arabes ? Les Arabes sont un peuple qui, depuis les jours de Mahomet, n'ont jamais réussi à constituer un État... Avez-vous vu une digue construite par les Arabes ? Nulle part. Cela n'existe pas. Les Arabes disent qu'ils ont inventé l'algèbre et construit d'énormes mosquées. Mais ce fut entièrement l'œuvre des esclaves chrétiens qu'ils avaient capturés... Ce ne furent pas les Arabes eux-mêmes... Ils ne peuvent rien faire seuls. "




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17 avril 2007

106 - Les mots justes

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Mardi 17 avril 2007

On ne s'improvise pas orateur ou écrivain. J'en fais souvent l'amère expérience. Trouver le mot juste, la phrase qui traduit avec exactitude et clarté une pensée ou un sentiment, c'est un art. Une idée n'a aucun intérêt si elle n'est pas communiquée. Aussi, je suis ravi de pouvoir partager la petite citation suivante qui, avec une économie de mots remarquable, pourrait servir d'en-tête à ce blog.

Le mépris de l'étranger chez soi n'a pas empêché une fascination exotique pour l'étranger chez lui. La façon dont les Européens représentaient les peuples colonisés traduit le statut d'infériorité dans lesquels ils les situaient. N'est-ce pas la mémoire de ce mépris qui survit dans l'actuelle xénophobie ambiante en France et en Europe?


Jacques Tarnero

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11 avril 2007

105 - Les reliefs de la diversité

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Mercredi 11 avril 2007

La diversité, que j’ai déjà traitée à plusieurs reprises, est souvent mal comprise et surtout peu mise en valeur. J’ai choisi aujourd’hui de faire une courte métaphore et de la partager sur ce blog.

Voir les reliefs de la différenceTout le monde a déjà vu un film en relief. Il s’agit du principe de la stéréoscopie, principe reproduisant une perception du relief à partir de deux images planes. Elle se base sur le fait que la perception humaine du relief se forme dans le cerveau lorsqu'il reconstitue une seule image à partir de la perception des deux images planes et différentes provenant de chaque œil. La technique nécessite d’utiliser des lunettes polarisantes spéciales filtrant une partie de l’image différente pour chaque œil.

Si l’on choisit de fermer l’œil gauche, l’image résultante sur l’œil droit reste partielle et trouble, sans aucun effet stéréoscopique (pas d’impression de relief). De même, si l’on ferme l’œil droit, l’image observée par l’œil gauche est différente de la précédente, mais n’offre pas de meilleur résultat. Seule la conjonction des images observées par les deux yeux simultanément permet d’obtenir l’effet stéréoscopique recherché.

Considérons maintenant la vision offerte à chaque œil comme deux façons différentes de considérer une même chose. L’analogie est facile et nous amène directement au sujet du jour. La diversité qui caractérise notre société, c’est justement la différence de regard et de perception que nous avons sur le monde. Chacun, pris individuellement, est partiel et fortement filtrant. Cette perception se trouve enrichie à partir du moment où nous savons mettre en relation ces différences pour créer une vision plus riche, plus large, plus holistique.

En matière de diversité et des phénomènes migratoires qui en sont à l’origine, deux principes semblent s’opposer aujourd’hui.

1+1=1D’un côté, le modèle d’intégration dit «à la Française» consiste à considérer qu’un nouvel arrivant doit se «fondre» dans la société qui l’accueille en intégrant ses valeurs et ses modes de fonctionnement. Par analogie avec le principe de stéréoscopie, ce modèle consiste à utiliser le même filtre pour chaque œil de la fameuse paire de lunettes. Le résultat est une perte totale d’enrichissement car aucune création ne résulte de cette conjonction des différences initiales, qui se trouvent gommées. C’est le modèle que j’appelle 1+1=1.

1+1=1+1De l’autre côté, le modèle communautariste anglo-saxon consiste à construire des silos étanches avec très peu de possibilités d’échanges de l’un aux autres. Par la même analogie, cela revient à n’utiliser qu’un filtre pour une personne et l’autre pour une autre personne. Chacun conserve son «filtrage» propre mais aucun cerveau ne bénéficie des deux visions. L’effet d’enrichissement induit par les différences de perception est nul. C’est le modèle 1+1=1+1.



Ainsi, point n’est nécessaire d’opposer ces deux modèles, aucun d’entre eux ne permettant de valoriser cette diversité. Seule une société capable de se remettre en question, capable de comprendre le potentiel que représente la diversité, saura en tirer tous les avantages et tout le pouvoir créatif. Une telle société saura enfin atteindre le modèle 1+1=3, ou le supplément induit n’existe que par l’exploitation commune des différences.



Titophe

Billet sur le même sujet: La diversité, c'est quoi?

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04 avril 2007

104 - Le cercle infernal

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Mercredi 4 avril 2007



Comment sortir de ce cercle vicieux? Où commence-t-il? Où pratiquer une ouverture? Ne manque-t-il pas quelque chose sur cette vision quelque peu simpliste? N'est-il pas dangereux de le laisser grossir et s'auto-alimenter?


Titophe
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01 avril 2007

103 – Ne pars pas, Malaïka !

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Dimanche 1er avril 2007

Malaïka, une amie de la blogosphère, a publié dernierement le texte suivant. Elle a accepté que je reprenne son témoignage sur ce blog. Je suis très flatté de pouvoir utiliser sa plume talentueuse pour remonter le niveau littéraire de ce site. Je l’en remercie. A la demande de Malaïka, je précise que le choix des dessins et photos illustrant ce texte est mien.

Elle a encore des choses à direSavez-vous que l’autre jour en sortant de chez moi je me suis fait agresser verbalement par un homme qui a utilisé des mots abjects pour me signifier que je n’étais pas chez moi et que je devais par conséquent rentrer dans ce chez moi qu’il devinait hors d’ici à la couleur de ma peau ? L’homme n’avait ni l’excuse de l’extrême jeunesse ni celle qu’on prête à l’âge avancé qui déraisonne. Mais que lui ai-je fait?C’était un homme jeune d’environ vingt-cinq ans qui n’a rien trouvé de mieux à faire qu’agresser verbalement une femme un matin. Propos outranciers et grossiers, déversement d’une haine plus grande que lui. Savez-vous qu’un jour en sortant du RER à la station Nation j’ai croisé une dame d’un certain âge qui faisait la manche. Je lui ai donné une pièce et il s’est produit une chose surréaliste. La femme s’est mise à m’insulter et à vociférer contre « la m… qu’avait ramenée le Général de Gaulle d’Afrique ». Elle me sommait avec haine de rentrer chez moi. Violence de mots sur un quai de gare. Violence extrêmeHistoire banale d’une personne dite « de couleur » (expression que soit dit en passant, j’exècre), face à la violence des mots. Histoire banale parce qu’elle se répète prenant des visages différents mais portant la même violence et les mêmes séismes. Histoire qui devient répétitive, qui se banalise dans les faits mais à laquelle je ne peux m’habituer.

Pour revenir à ce jeune homme et à cette dame d’un certain âge qui m’ont envoyé mon altérité pour l’un et mon africanité pour l’autre à la figure comme une insulte obscène. Ils se sont basés sur ma couleur de peau pour déduire que je n’étais pas d’ici. Tiens tiens !!! En se basant sur la couleur de peau d’une femme à Paris, un homme et une femme d’âges différents en on conclu qu’elle était d’ailleurs et devait y retourner. Aïe ! Ça cache un présupposé effarant si l’on sait que l’être français n’est pas le fait d’avoir une couleur de peau.

C'est si rare! .....Je peux décider de me cacher derrière la raison pour laisser derrière moi la dimension émotionnelle de l’offense mais je n’en ai pas envie parce que la banalisation de la parole raciste n’est pas qu’un fait divers lu dans la presse, rapidement dénoncé, le temps de remettre la tête dans le sable comme une autruche en se répétant « tout va bien, le racisme est marginal dans la société » au point de finir par y croire. Oui mais la vérité est qu’il n’est pas marginal, il l’est de moins en moins, des femmes et des hommes s’autorisant impunément la parole qui blesse, agresse et/ou humilie l’autre. Il se trouve que cette banalisation affecte le quotidien de plusieurs personnes. Moi je ne suis qu’un épiphénomène, une goutte d’eau dans l’océan de cette violence verbale qui parfois se transforme en actes.

Je me souviens que le jour où le charmant monsieur dont je parlais plus haut m’a agonie sa haine matinale, ma hantise était qu’il sache où j’habite (je n’étais qu’à quelques mètres de chez moi) et qu’il revienne convertir ses mots en violence physique. Le problème c’est que je ne suis pas capable de le reconnaître, je le croiserais que je ne le reconnaîtrais pas. Il était dans mon environnement de vie. Ce n’est pas rassurant. Je veux croire que je ne le croiserais plus.

Je ne peux pas brider les émotions que l’on ressent dans un tel cas et prétendre constamment atteindre des sommets de « zenitude ». La violence du racisme entraîne des déflagrations internes dans celui qui en est la victime.

HumiliationLe racisme au quotidien c’est entendre un agent de la préfecture de police au service des étrangers me dire du temps où j’étais étudiante « pourquoi faire autant d’études puisque dans votre pays on peut être ministre avec le BEPC ». Le racisme au quotidien c’est de rester pétrifié devant cette femme qui se trouve drôle et qui pourtant ne l’est pas, et qui éclate de rire aidée de ses collègues dans un absolu sentiment d’impunité. Elle a le pouvoir, je mendie le droit de rester en France à ses yeux. Peu importe si j’ai tous les documents nécessaires au renouvellement de mon titre de séjour, elle se sent en position de tenir des propos humiliants pour moi et pour mon pays. Le racisme au quotidien c’est ne pas pouvoir dire les mots qui me montent aux lèvres parce qu’elle a le pouvoir administratif de me pourrir la vie de différentes manières et a de fait développé la détestable mentalité de « petit chef » dont nous sommes tous un jour victimes à un moment où à un autre. Ca fait plus de quinze ans, et son visage ne m’a pas quittée. Le racisme au quotidien c’est sortir d’un service public avec ce sentiment d’humiliation et d’impuissance, c’est de ravaler sa colère et ses larmes éventuelles, de redresser la tête et de se dire que ça ne nous atteint pas. Le racisme au quotidien c’est n’avoir commis aucun délit et ne pas se sentir protégé quand la police déboule de peur d’être criminalisé par sa couleur. Les conséquences du racisme au quotidien c’est l’intériorisation de cette insécurité comme allant de soi. Les conséquences du racisme au quotidien c’est le sentiment qu’il faut raser les murs pour être toléré.

Raciste, moi? Tu plaisante, je connais une noire!Le racisme au quotidien c’est d’entendre quelqu’un me dire « oui mais toi tu n’es pas comme les autres, tu n’as pas d’accent » (j’en ai un désolée et je l’assume d'autant plus qu’il me raconte, il raconte mes origines et l’endroit où je vis, il est une synthèse de la personne que je suis avec ses voyages et son histoire)« , tu ne t’habilles pas comme eux ». En un mot « toi au moins tu es une africaine acceptable ». Le pire c’est que ceux qui disent ces mots ne réalisent même pas que ce n’est pas un compliment, mais que c’est une offense absolue. Mon africanité n’est pas une tare, ni une injure n’en déplaise aux abrutis. Mon rêve secret n’a jamais été de m’en défaire, n’en déplaise aux sots.

Alors quand j’entends de certains hommes politiques et intellectuels irresponsables qui criminalisent à mots couverts les origines et la culture des autres je trouve ça de plus en plus insupportable. Je voudrais crier que derrière la figure de l’immigré, investi aujourd’hui à tort de la responsabilité de bien des problèmes de la nation, il y a des humains dé-sécurisés au quotidien par la levée de tabous qui libèrent l’expression de la haine.

Derrière la figure de l’immigré « vorace et dangereux » pour le pays qui l'accueille il y a des personnes qui ont eu la faiblesse d’aimer un pays d’accueil et de vouloir construire une histoire commune avec lui. Derrière la figure du « profiteur » décliné sous toutes les formes dans les meetings politiques, il y a des individus qui ont une histoire autre que celle caricaturée par ces personnes aspirant aux plus hautes fonctions de l’Etat et qui sans gêne nous instrumentalisent pour être élus sans se soucier de l’humain derrière le mot tant galvaudé de l’immigration. Derrière cette figure, il y a moi et il y a d’autres qui vivent cette campagne électorale comme un doigt accusateur pointé sur eux comme cause de tous les maux qui prennent aux « ayant droit » travail et logement. Savez-vous que je me suis surprise à me sentir fautive d’avoir un travail ? A force de mots, à force de violence, voici un exemple de ce qui est semé dans un cœur d’humain derrière la figure de l’étranger prédateur. Les hommes politiques véhiculent sans vergogne ces images d’Epinal et monsieur et madame tout le monde fragilisé par la misère et la peur du lendemain ou nourri au biberon des thèses haineuses se sentent libres de tagger les murs d’un médecin dont la « faute » est d’être noir, d’insulter une personne qui vous fait l’offense de lui faire l’aumône alors qu’elle n’est que cette « m… ramenée d’Afrique par le général de Gaulle », ou de vomir sa haine matinale sur une femme qui sort de chez elle pour aller travailler.

J’en ai vécu des campagnes électorales en France, mais je ne vous cache pas que celle- ci m’est la plus intolérable. Pourtant il y a eu le 21 avril 2002. Il y a eu l’amalgame honteux et sournois entre immigration et insécurité. Le problème c’est que dans l’esprit de plusieurs aujourd’hui les deux mots se confondent comme une évidence criminalisant l’altérité. Jusques à quand ? Ils ont gagné les vecteurs de haine, mes regards se tournent vers un ailleurs parce et je sais qu’à terme, pour mon propre salut je partirai. Ne pars pas, Malaïka !Pourtant ce pays j’avais choisi d’y rester parce qu’il avait, et continue d’avoir un place particulière dans mon cœur. Tant pis pour une histoire d’amour apparemment à sens unique entre ce pays et moi. Tant pis pour les murs d’incommunicabilité érigés à coup de phrases et de bon mots par le monde politico médiatique. Je ne veux pas porter la figure du parasite, je refuse de l’intégrer. Partir pour ne pas périr, ou au moins rêver d’un ailleurs pour ne pas être détruit et se dire qu’une autre vie reste possible. Dérisoire refuge de l’altérité.

Tu n'es pas seule!C’est le coup de gueule d’une personne sans voix et sans visage et qui n’a aucun poids ni aucune importance dans les enjeux du moment, mais qui existe, oh oui qui existe derrière le fantasme et les généralisations absurdes et imbéciles.

Paris le 31 mars 2007




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